Chronique Eco– Fin du libre-échange, vive la transaction et bienvenue au troc.
Les USA ont signé la fin du multilatéralisme dans les relations internationales et la fin du libre-échange dans les relations commerciales, lorsqu’ils ont introduit des droits de douanes en fonction de leur balance commerciale avec chaque pays de la planète. Chaque pays est invité à négocier ces taux en s’engageant à importer des produits américains s’il veut voir un taux faible. Ainsi, les pays qui ont l’habitude d’exporter de gros volumes vers les USA (UE avec 500 Mds de $ ou la Chine avec 1800 Mds de $, c’est le cas aussi du Canada, du Mexique, du Brésil….) se sont vus attribués des taux de droit de douane très élevés ‘plus de 50%, alors que les pays moins exportateurs de marchandises vers les USA avec des déficits commerciaux se sont vus attribués des taux plus bas (10 ou 15%). La négociation du taux vers le bas est exclusivement basée sur l’engagement du pays concerné à acheter plus de marchandises américaines. C’est la nouvelle doctrine dans le commerce mondial instaurée par Trump.
Le but des USA est d’arriver à équilibrer ou dégager des excédents de leurs balances commerciales avec l’ensemble des pays. L’UE a accepté le chantage américain et donc à acheter du gaz de schiste américain à des prix supérieurs à ceux du marché. Le parapluie américain a encore joué dans la négociation, particulièrement dans un contexte de guerre Russo-Ukrainienne, alors que la Chine a organisé sa riposte à la hauteur de sa puissance et de sa souveraineté. On note cependant un petit réveil pour certains pays européens. La chine a appliqué la réciprocité, rejetant ainsi toute négociation. Il y a des pays qui trouvent leurs compte dans cette guerre commerciale ; des pays préparés et ayant acquis un niveau de compétitivité internationale qui les place dans une situation favorable pour jouer des rôles déterminants dans cette guerre commerciale. On peut citer au moins trois pays dans cette catégorie : Le Vietnam, l’Indonésie et la Malaisie. Le premier se trouve courtisé par les deux protagonistes, Chine et USA. Ces derniers veulent substituer, au moins en partie, les importations chinoises par des produits vietnamiens. Les chinois, de leur côté, veulent délocaliser une partie de la production vers ce pays. La stratégie américaine de contournement de la Chine se retourne contre eux. La bataille n’est pas terminée.
L’Indonésie et la Malaisie sont aussi dans cette logique de tirer profit de la guerre Sino-Américaine mais de manière moins prononcée en raison de leurs relations plus anciennes avec l’Amérique. Un autre acteur majeur de la région, l’Inde, qui cherche à se positionner dans cet affrontement mais avec moins de souplesses en raison de son passé avec les USA et de la relative faiblesse de la performance de son économie sur plusieurs segments. Pour les USA, tout sauf la Chine. Le gaz de schiste américain va-t-il inonder l’Asie dans le cadre de ces nouvelles configurations commerciales ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr, La Chine, le plus grand consommateur-importateur d’énergie dans le monde continuera à s’approvisionner auprès de ses fournisseurs traditionnels, La Russie et L’Iran. Cette nouvelle façon de faire du commerce au niveau mondial va donner un coup fatal à la « mondialisation heureuse » qui promeut le libre-échange planétaire pour atteindre une efficience pour toutes les économies et qui profiterait à toute la population de la planète. Séduisante au plan théorique, la mondialisation a, beaucoup, profité aux puissants, très peu pour le Sud et même elle a été destructrice (emploi, investissements, écosystèmes, …) pour beaucoup de pays pauvres.
Et si l’Algérie appliquait cette règle, au moins partiellement, pour trouver des débouchés pour le gaz. Ainsi, notre principal fournisseur, la Chine, s’oblige à acheter notre gaz. Il en sera de même pour la Turquie dont les exportations vers l’Algérie prennent de l’altitude. Les autres fournisseurs traditionnels de l’Algérie (Espagne, France et Italie) sont déjà des clients du gaz algérien. Mais rien ne garantit que les volumes importés par ces pays vont se maintenir avec l’imposition du gaz de schiste américain. Les contrats avec ces pays sont de moyen et long terme, mais des clauses de révisions des prix et des quantités y sont prévues.
Le gaz de schiste américain est un réel concurrent du gaz algérien, comme d’ailleurs le gaz libyen qui, heureusement, n’est pas encore exploité ; mais l’ENI (italien) vient d’engager un investissement de 8 Mds de $ sur des concessions en Libye. Nous devons diversifier nos marchés, car aujourd’hui nous sommes très liés à des infrastructures de transport (canalisations par gazoduc) alors que la diversification doit se faire aussi par l’exportation du GNL par méthaniers.
La nouvelle doctrine américaine en matière de commerce extérieur, articulée à l’équilibre de la balance commerciale avec chaque pays, si elle n’est pas remise en cause, conduirait au retour du troc, marchandises contre marchandises. Des dérèglements vont se produire sur l’ensemble des économies tant au plan commercial qu’au plan monétaire.
ANOUAR EL ANDALOUSSI