Hydrocarbures: L’Algérie attire à nouveau les géants de l’énergie
Le secteur pétrolier et gazier algérien connaît une relance inédite depuis plus d’une décennie. La conjugaison d’un climat intérieur « apaisé», d’un positionnement géostratégique favorable et d’un cadre juridique révisé attire à nouveau les géants de l’énergie mondiale.
Le secteur des hydrocarbures en Algérie vit, en effet, un renouveau sans précédent depuis près de dix ans. Le pays, riche en ressources énergétiques et stratégique pour l’approvisionnement de l’Europe, multiplie les initiatives pour capter de nouveaux investissements dans l’exploration et la production. C’est ce que l’expert américain, Jeff Porter, président de North Africa Risk Consulting, a mis en avant, dans un article publié sur la plateforme spécialisée « Arabian Gulf Business Insight», cette dynamique nouvelle. Il a évoqué notamment une série de rencontres de haut niveau entre les autorités algériennes et plusieurs majors de l’énergie, reflet d’un intérêt croissant pour un marché longtemps en retrait.
Un positionnement stratégique et un climat intérieur favorable
La proximité géographique de l’Algérie avec les marchés européens, conjuguée à une stabilité politique et sécuritaire retrouvée, confère au pays un avantage compétitif important. À cela s’ajoute une réforme majeure de la législation sur les hydrocarbures adoptée en 2019, avec entrée en vigueur en 2020, qui a revu à la baisse la fiscalité et introduit des incitations plus attractives pour les investisseurs.
Si la précédente tentative de relance, en 2014, s’était soldée par un échec cinglant, dont aucune offre n’ayant été soumise par les compagnies étrangères, le paysage a bien changé. Le lancement en juin 2025 de la première ronde d’appels d’offres sous le nouveau cadre juridique marque un tournant. Sur les six blocs proposés, cinq ont été attribués à des sociétés de renom, parmi lesquelles Sinopec (Chine), TotalEnergies (France), Eni (Italie) et QatarEnergy.
Cette attribution s’est traduite par des engagements d’investissements d’un minimum de 936 millions de dollars, dont 533 millions pour l’exploration et 403 millions pour le développement. Les contrats s’étendent sur 30 ans, dont 7 années dédiées à l’exploration.
Le président de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft), Samir Bakhti, a salué ces résultats, annonçant dans la foulée la tenue d’un nouvel appel d’offres d’ici fin 2025.
Mais si les résultats de cette première phase sont jugés encourageants, Jeff Porter nuance : « Le succès relatif de cette ronde pourrait aussi s’expliquer par l’ouverture croissante de l’Algérie aux négociations bilatérales en dehors des appels d’offres ». Cette approche alternative permet aux compagnies de contourner les contraintes rigides des appels d’offres classiques, de cibler des blocs non proposés officiellement et de négocier des conditions plus souples, adaptées à leurs priorités stratégiques.
Le retour des majors
De nombreuses majors ont d’ailleurs profité de cette fenêtre bilatérale au cours des trois dernières années. Ainsi, Occidental Petroleum, initialement sur le point de quitter l’Algérie en 2019, a renforcé sa présence dès 2022, annonçant son intention de faire du pays un pilier de sa stratégie à long terme.
La même année, Eni a racheté les actifs de BP en Algérie, avant d’acquérir ceux de Neptune Energy en 2024. En 2025, la compagnie italienne a consolidé sa position en obtenant, avec Sonatrach, le transfert d’un contrat de 1,35 milliard de dollars dans le cadre d’un accord de partage de production.
Parallèlement, Chevron mène des discussions avec les autorités algériennes pour le développement de ressources non conventionnelles, pendant que ExxonMobil négocie directement avec Sonatrach. De son côté, Shell, bien qu’absente de l’appel d’offres de 2025, poursuit des discussions bilatérales avec la compagnie nationale. Enfin, Equinor (Norvège) est en pourparlers pour prolonger ses contrats actuels.
Cette dynamique confirme que, malgré les lenteurs bureaucratiques persistantes et une prise de décision parfois opaque, l’Algérie redevient une destination crédible pour les investisseurs du secteur énergétique. « Certes, l’ouverture de Sonatrach aux discussions directes pourrait affaiblir le recours aux appels d’offres classiques, mais au final, les deux méthodes convergent vers un objectif commun : attirer plus d’investissements internationaux, renforcer l’apport technologique et augmenter la production nationale de pétrole et de gaz», a conclu Jeff Porter.
Synthèse Selma R.