06/10/2024
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Chronique Eco: Des opportunités de coopérations trilatérales à exploiter.

Le 18 septembre 2024 s’est tenue à Tunis une Table Ronde sur le thème « Renforcer la Coopération Trilatérale entre la Tunisie, l’Algérie et la Libye : vers une approche régionale intégrée ». Elle a été organisée par une Fondation Allemande activant dans le Maghreb. Les organisateurs ont, d’emblée, annoncé qu’elle est inscrite dans le sillage de l’initiative trilatérale lancée en avril 2024 entre les Présidents de la Tunisie, de l’Algérie et de la Libye tenue à Tunis. Et de préciser, dans une Note conceptuelle, que « les trois pays voisins partagent des défis communs liés à la sécurité, au développement économique et à la gestion des ressources naturelles… ».

La Table Ronde a réuni environ 15 participants venant des trois pays et de divers horizons : Hauts fonctionnaires, Universitaires, Experts techniques, représentants du secteur privé et des organisations internationales. Trois thèmes ont été retenus pour les débats, organisés en panels :

Panel 1 : la problématique de l’eau dans la région et la gestion collective  des ressources communes ou transfrontalières.

Panel 2 : la sécurité énergétique et le développement des énergies renouvelables ;

Panel 3 : la question des infrastructures et des connectivités pour une intégration régionale.

Sur le premier panel, les experts ont présenté des exposés techniques sur les réserves du plateau aquifère que partagent les trois pays. Tous convergent sur l’estimation des réserves de l’Albien autour de 60. 000 Milliards de m3  dont plus de 60% est située en Algérie. On relève aussi que le renouvellement se fait à peine à 1 Mds de m3 alors que le rabattement (baisse du niveau d’eau) est déjà constaté et donc la pression artésienne chute sur plusieurs sites. Le Panel a noté qu’il y a une symétrie entre le volume des ressources et les risques qui lui sont associés ; d’où les vulnérabilités  liées à son exploitation, telles la pollution, salinité, risques d’effondrement suite à des puisements massifs, etc.

In fine, les trois pays partageant cette nappe doivent coordonner davantage leurs actions tant au plan de l’exploitation qu’au plan de l’évaluation des risques.

Le deuxième panel (énergie) a évoqué le profil énergétique des trois pays, deux producteurs d’hydrocarbures, Algérie et Libye, alors que  la Tunisie importe l’essentiel de son énergie. Ce dernier pays bénéficie du passage du gazoduc TransMed  qui alimente l’Italie à partir de Hassi R’Mel et lui permet de prendre 5,5% comme droit de passage (en moyenne une valeur de 500 Millions de $ par an). Par ailleurs, les trois pays ont des programmes ambitieux en matière d’énergie renouvelable (essentiellement le PV). L’Algérie a lancé un programme de 3GW en 2024 sur un programme de 27GM à 2035. La Tunisie annonce un programme de 0,34 GW en 2030 avant de passer à 22,66GW en 2050. La Libye développe son programme avec une projection vers l’Italie par un câble sous-marin. La Tunisie produit 5,6 % de ses besoins à partir des EnR, loin devant ses voisins. C’est dans l’hydrogène vert que la Tunisie affiche une grande ambition.  En matière d’électrolyseurs,  ils devront atteindre 0,26 GW en 2030 et 20GW en 2050.

Il apparait nécessaire, comme pour l’eau, d’intensifier la coopération pour d’une part partager les expériences et d’autre part mettre des projets commun dans les EnR puisque les complémentarités sont très fortes, comme par exemple pour l’hydrogène vert où l’utilisation des gazoducs installés pour le transport est l’un de ces domaines de coopération. Il y a aussi la valorisation des hydrocarbures et des minerais pour exporter des produits à valeur ajoutée locale (par ex. la Tunisie dispose de grands gisements de phosphate et l’Algérie dispose du gaz).

Enfin, le troisième Panel a abordé le thème des infrastructures et de l’intégration économique régionale.  D’entrée en matière, il a été nécessaire de faire des rappels sur le potentiel d’intégration de cette région. Le potentiel est sous-exploité et la région demeure l’une des moins intégrées du Continent.  Par ailleurs, les pays d’Afrique du Nord pourront tirer profit de l’ouverture vers l’Afrique subsaharienne. 

Les infrastructures aident beaucoup à l’intégration économique par les échanges commerciaux. Ces derniers sont aujourd’hui très  faibles entre les trois pays. Ils ne représentent pas grand-chose par rapport au total des échanges de chaque pays. Ainsi, la part des échanges commerciaux (Import+Export)  de chacun des trois pays par rapport au total de leurs échanges extérieurs,  est la suivante : Algérie 2.33% ; Tunisie 6.90% et Libye 1.88%.

Globalement, les infrastructures de transport sont là. Elles doivent être développées davantage. On peut en citer les principales : l’Autoroute Maghrébine qui traverse les 5 pays de l’UMA et l’Egypte ; la Route Transsaharienne qui relie les trois pays entre eux et avec les pays du Sahel ;  le Réseau Maghrébin d’Energie qui relie les pays maghrébins à l’Europe via l’Italie et l’Espagne. Il faut signaler la réouverture récente (été 2024) de la ligne de chemin de fer reliant Alger à Tunis.

Le panel a abordé la question des difficultés rencontrées aux frontières malgré les différents accords de libre échange (bilatéraux ou multilatéraux) comme l’AZAL (zone arabe de libre échange) ou la ZLECAF (zone de libre-échange africaine). En effet, les opérateurs rencontrent encore des limitations aux échanges, en particulier en matière d’harmonisation des procédures et des protections non tarifaires. Le Panel recommande la mise en place de Corridors de transports en tant que facilitateurs de l’intégration par les échanges commerciaux. Le développement du Corridor Maghrébin de fret sera un facteur majeur pour le développement des échanges euromaghrébins. 

En conclusion, il a été recommandé d’encourager la création de Think -Tank indépendants sur l’Eau, l’Energie, les Infrastructures et les Echanges commerciaux  et la création d’un Institut de l’Eau et un autre sur les EnR. Les instituts seront érigés par les Etats dans le cadre d’un accord ou une convention de partenariat avec un financement public et/ou international.

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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