06/10/2024
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Chronique Eco: L’agriculture saharienne en débat

Les débats sur les grandes questions du développement de notre pays s’organisent ici et là, et c’est tant mieux. Samedi 28 septembre 2024, deux associations (GRFI et Torba) ont organisé une Conférence-débat (au siège du GRFI Ouled Fayet) sur un sujet d’une grande importance, tant par ses enjeux que par ses impacts sur l’économie et la société algériennes.

La note introductive de la Conférence-Débat annonce que « l’agriculture saharienne, longtemps cantonnée aux Oasis traditionnelles, est aujourd’hui au cœur des réflexions stratégiques pour l’avenir agricole de l’Algérie. Ce sujet a pris de l’ampleur dès 2020, lorsque de vastes projets de mise en valeur agricole dans les régions arides ont suscité un débat sur leur faisabilité et durabilité ».  D’emblée, le débat a été planté sous une problématique assez provocatrice : « Agriculture saharienne : Performance et Durabilité ».

En effet, ce sont ces deux variables qui vont structurer tout le débat sur l’Agriculture saharienne : Est-elle performante ? Et serait-elle durable ? Autant pour le premier paramètre, la réponse peut paraître évidente, encore faut-il préciser les critères de sa performance ; autant pour le second terme (la durabilité), les réponses ne sont pas tranchées, plus que ca, elles sont encore insuffisantes et incomplètes, ce qui va conduire à des polémiques en raison de la difficulté de mesurer la durabilité tant au plan de la principale ressource, l’EAU, que des impacts sur l’environnement.

Le débat organisé dans le cadre de cette Conférence a été d’une grande richesse. D’abord les exposés des experts ont posé les problématiques et suggéré des pistes de réflexion sur « les modèles d’agriculture saharienne résilients et modernes » (il serait plus indiqué d’utiliser le pluriel : il y a plusieurs agricultures sahariennes).  Les sujets développés en conférences ont été suivis par des témoignages et des retours d’expériences.

Il ressort des conférences et des débats qu’à court terme, la performance, en termes de rendements et de rentabilité financière, est acté ; le volume d’investissement dans la mise en valeur en est la preuve.  Ce résultat est expliqué par le coût des facteurs de production, la terre est gratuite (concession), l’Eau est gratuite, l’énergie fortement subventionnée, l’agriculture est défiscalisée et d’autres incitations et avantages sont accordés par l’Etat. Ce raisonnement est bien entendu celui du point de vue de l’investisseur (l’entrepreneur pourrons-nous dire). Du point de vue de l’Etat, d’autres considérations rentrent en ligne de compte, en particulier la contribution de cette agriculture à la souveraineté alimentaire dont le rendement financier et même économique comme le coût financier n’ont pas le même poids que pour l’investisseur privé.

Au contraire, la question de durabilité n’est pas encore tranchée, du moins à court terme. On n’a pas encore des données sur les impacts des modèles d’exploitation intensive sur les sols, les nappes phréatiques, le réservoir albien… Aujourd’hui, il est important de faire des évaluations sur l’ensemble des paramètres : rendements, épuisement des ressources non renouvelables, pollution des nappes, salinité des sols et des eaux.

Le modèle d’exploitation intensive est par essence producteur d’externalités négatives, par l’effet de l’usage abusif des produits chimiques, la surconsommation des ressources naturelles, la mécanisation à outrance, et il s’apparente  à une activité « hors sol », c’est-à-dire une agriculture sans paysans. Pourtant une activité aussi importante en volume et investissements mérite une attention particulière pour ne pas « gâcher une belle opportunité » de transformation du territoire national. Il est important de ne pas tomber dans le modèle dit « minier », c’est-à-dire, une fois la mine est épuisée et fermée, rien ne posse, rien ne vit. C’est à la fois toute la question de la durabilité de l’agriculture saharienne et aussi l’impact des investissements sur le territoire. Voilà un facteur structurant du territoire qui permet une attractivité des territoires sahariens qui inciterait à d’autres investissements et surtout à une occupation « durable » par une population venant d’autres régions. L’occupation du territoire par une population sédentaire est le meilleur gage pour assurer notre sécurité et la durabilité des écosystèmes sahariens. L’idée de lancer des expériences autour d’un renouveau des Oasis (ou de nouveaux modèles de vie dans le désert) est d’une importance capital. Créer de nouveaux centres de vie (sur le modèle des anciennes Oasis) intégrant les évolutions sociologiques, économiques et surtout technologiques ; voilà un projet ambitieux, défiant et utile.

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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