Face au déclin des champs pétroliers et gaziers: L’AIE appelle à investir 540 milliards $ par an
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) alerte sur un défi majeur pour la sécurité énergétique mondiale : l’accélération du déclin naturel des champs pétroliers et gaziers. Ce phénomène menace directement l’équilibre des marchés et rend impératif un effort massif d’investissement dans l’exploration et la production (E&P). Selon l’AIE, il faudra mobiliser plus de 540 milliards de dollars par an pour maintenir l’approvisionnement énergétique mondial jusqu’en 2050.
Les prévisions indiquent que la demande mondiale de pétrole atteindra un pic de 105,6 millions de barils par jour en 2029, avant de se stabiliser à 105,5 millions de barils par jour en 2030. Mais sans investissements suffisants, le monde perdrait chaque année l’équivalent de la production combinée du Brésil et de la Norvège, soit plus de 5,5 millions de barils par jour. Pour le gaz, la perte atteindrait 270 milliards de mètres cubes par an, soit la totalité de la production actuelle de l’Afrique.
Pour compenser ces déclins, il serait nécessaire d’ajouter 45 millions de barils de pétrole par jour et 2 000 milliards de mètres cubes de gaz via de nouveaux projets d’ici 2050. Or, l’érosion des gisements est particulièrement marquée pour les petits champs (-11,6% par an) et les gisements offshores profonds (-10,3%), alors que les champs géants et ceux du Moyen-Orient montrent une plus grande résilience (-2,7% et -1,8% respectivement). L’Europe, quant à elle, affiche un déclin préoccupant de -9,7%. Concernant l’Algérie, le rapport de l’AIE souligne que la production gazière du pays risque un déclin marqué sans investissements supplémentaires et la place parmi les pays africains dont l’avenir énergétique dépend de la capacité à maintenir et à développer de nouveaux projets.
En 2025, les investissements dans l’E&P devraient atteindre 570 milliards de dollars, mais ils ne permettront qu’une hausse marginale de la production. Depuis 2019, près de 90% de ces financements servent uniquement à compenser le déclin naturel des gisements. Sans changement, la production mondiale pourrait reculer de 8% par an pour le pétrole et de 9% pour le gaz au cours de la prochaine décennie. Les gisements non conventionnels, tels que le pétrole de schiste, sont encore plus vulnérables, avec des taux de déclin brutaux en l’absence de financements continus. Les économies avancées sont les plus exposées, risquant de perdre jusqu’à 65% de leur production en dix ans si les investissements ne sont pas renforcés, tandis que la Russie et le Moyen-Orient, grâce à leurs champs géants, résisteraient mieux à cette tendance.
Même avec les 230 milliards de barils de pétrole et les 40 000 milliards de mètres cubes de gaz déjà découverts mais non exploités, qui pourraient ajouter 28 millions de barils par jour et 1 300 milliards de mètres cubes de gaz d’ici 2050, les besoins énergétiques futurs ne seraient pas totalement couverts. Pour y parvenir, il faudrait découvrir chaque année 10 milliards de barils de pétrole et 1 000 milliards de mètres cubes de gaz. Or, le passage de l’exploration à la production prend en moyenne vingt ans, ce qui ralentit le renouvellement des réserves.
Dans ce contexte, les investissements récents se concentrent sur l’extension de champs existants, notamment en offshore. Mais cette stratégie, bien que nécessaire, illustre le défi colossal qui attend l’industrie pour maintenir la sécurité énergétique mondiale. À défaut d’investissements annuels massifs dépassant 540 milliards de dollars, les marchés risquent de faire face à un déficit structurel, avec des conséquences majeures sur les prix, la stabilité énergétique et même la transition énergétique mondiale
Par ailleurs, l‘Agence internationale de l’énergie (AIE) se trouve confrontée à un paradoxe. Alors qu’en 2021, elle préconisait l’arrêt des nouveaux investissements dans le pétrole et le gaz pour atteindre les objectifs climatiques, elle admet aujourd’hui que l’absence de ces financements provoquerait une chute brutale de l’offre.
Par Mourad A.