Filière pommes de terre: Vers une Souveraineté Algérienne
Par Dr Amine Bensemmane *
L’organisation de l’Atelier national sur la filière semencière de pomme de terre à El Oued, les 19 et 20 février 2025, a constitué bien plus qu’un simple événement professionnel. Il a été le point de départ d’une dynamique ambitieuse, structurante et visionnaire, dédiée à une culture à la fois emblématique et stratégique de notre agriculture nationale : la pomme de terre.

Avec plus de 180 000 hectares cultivés chaque année et une consommation moyenne de 85 kg par habitant, cette filière joue un rôle central dans la sécurité alimentaire du pays. Et pourtant, elle reste exposée à des fragilités préoccupantes : recul des surfaces, baisse des rendements, rareté croissante des ressources en eau, et surtout, une forte dépendance aux importations de semences, représentant jusqu’à 120 000 tonnes importées annuellement, en provenance de pays européens.
Dans ce contexte, le coût de la semence – représentant près de deux tiers du coût de production – devient un facteur de vulnérabilité économique majeur pour les agriculteurs, tout en pesant sur la rentabilité des exploitations et sur le prix final pour les consommateurs.
Face à ce constat, l’atelier d’El Oued a posé les premiers jalons d’une stratégie nationale d’autonomie semencière, en mobilisant une diversité remarquable d’acteurs publics et privés, scientifiques et opérationnels, autour d’un objectif commun : construire, ensemble, une filière semencière locale, durable, traçable et adaptée aux contraintes du Sahara.
Notre partenariat, tout récemment scellé entre le GRFI et l’École Supérieure d’Agriculture Saharienne (ESAS) d’El Oued, a permis de donner à cet atelier une dimension profondément ancrée dans les réalités territoriales, mais ouverte sur les innovations les plus prometteuses, à commencer par la micro-propagation in vitro, l’hydroponie et l’aéroponie.
Ces technologies ne sont pas des fins en soi, mais des leviers puissants au service d’une filière modernisée, efficiente et souveraine. À condition, bien sûr, de créer les conditions de leur adoption locale : appui à la formation des multiplicateurs, structuration en coopératives semencières, développement de fermes expérimentales, mise en place d’unités logistiques partagées, et instauration d’un système de certification simple et accessible.
Nous devons également repenser les modes de gouvernance, en associant pleinement les producteurs, les techniciens, les chercheurs et les institutions dans une logique coopérative. Car seule une action collective, coordonnée et multi-acteurs peut nous permettre de relever les défis agricoles à venir.
À l’horizon 2050, l’Algérie devra nourrir plus de 65 millions d’habitants. Cela suppose, entre autres, une hausse de 55 % de la production de pommes de terre. Cet objectif ne pourra être atteint qu’à travers la maîtrise complète de la filière semencière.
C’est pourquoi je tiens à saluer l’ensemble des participants à cet atelier, les intervenants, les experts, les agriculteurs pionniers, les institutions scientifiques et techniques, ainsi que tous ceux qui, par leur engagement et leur savoir-faire, contribuent déjà à bâtir les bases d’une filière semencière forte, souveraine et innovante.
L’atelier d’El Oued fut un moment fondateur. Il doit désormais devenir un catalyseur de politiques publiques, d’investissements structurants et de coopérations stratégiques. Ensemble, nous avons prouvé qu’un autre modèle est possible : un modèle saharien, résilient, technologique, enraciné dans les territoires et tourné vers l’avenir.
Avec confiance, détermination et esprit collectif, poursuivons cette trajectoire vers une souveraineté semencière algérienne.
Président du SIPSA & du Groupe de Réflexion Filaha Innove (GRFI)