Chronique éco.. Un monde en ébullition : vers la fin de la mondialisation économique ?
Les conflits internationaux se multiplient, les alliances se défont, les souverainismes se confirment, les nouvelles solidarités se nouent sur des bases idéologiques et non politiques ou économiques. On assiste à l’émergence de nouvelles terminologies : le Nord Global ; le Sud Global ; l’Occident libéral …
Les deux grandes crises, la guerre Russo-ukrainienne et le Génocide à Ghaza ne sont que les deux formes extrêmes de manifestation des graves crises qui secouent le monde aujourd’hui. Des crises latentes sont en veille dans le Pacifique (Taiwan), dans le Sahel, dans l’Océan Indien et en Europe centrale et de l’Est. Jamais le monde n’a connu autant de tensions dans les relations internationales depuis la seconde guerre mondiale. Les historiens du siècle dernier comparent ce qui se passe aujourd’hui avec la période d’avant la deuxième guerre mondiale : crise économique de 1929 en Amérique, la montée des nationalismes en Europe et du nazisme en Allemagne, l’ébullition dans les Balkans …. De nouveaux acteurs ont émergé (URSS, Japon…), d’autres ont perdu de leur puissance (empires européens…) L’économie a subi de plein fouet les soubresauts de ce contexte d’extrême tension : Inflation et récession ont conduit à une stagflation avec les libérations en masse des travailleurs et l’installation de la paupérisation sur tous les continents. Le retour en force des idéologies de toute nature (libéralisme sauvage, le communisme autoritaire, le populisme et ses dérivées : le nazisme et le fascisme). La deuxième guerre mondiale a été l’aboutissement logique de tous ces facteurs. La guerre a donc été la seule forme de régulation des crises accumulées. La fin d’un cycle, celui amorcé en 1884 à l’occasion de la conférence de Berlin sur le partage du monde. L’après guerre a donné naissance à de nouvelles formes de régulation des relations internationales (transformation de la SdN en ONU) et de l’économie du monde (accords de Bretton -Woods (naissance du FMI et de la Banque mondiale). La finalité était une mondialisation de l’économie grâce au développement des échanges et l’insertion des pays périphériques dans les relations commerciales dans la perspective d’élargir la sphère marchande et les opportunités pour le développement du capitalisme internationale. Cette mondialisation s’est développée dans un climat de relative stabilité des relations internationales (la guerre froide était une forme de régulation douce, implicite et apaisée des tensions idéologiques) et un développement économique et social soutenu (les trente glorieuses en Europe et la construction du socialisme en URSS, Europe de l’Est et centrale). Les pays dits périphériques s’organisaient dans un mouvement dit de tiers monde après leur émancipation du colonialisme sous toutes ses formes. La Mondialisation économique a connu son apogée à la fin du dernier siècle et le début du siècle en cours. Le bilan de la mondialisation reste à faire. Aujourd’hui, elle s’essouffle. La crise sanitaire du Covid19 a montré la fragilité des mécanismes mis en place pour le commerce mondial.
Les pays se sont recroquevillés sur leurs territoires et leurs intérêts souverains. Depuis, les délocalisations de « l’Usine du monde » vers les pays d’origine se multiplient. La violence dans le monde économique se manifeste par des actions souvent violentes, la destruction du Gazoduc Nord Stream2 par les USA en est l’illustration. Le dollar, facteur déterminant de la mondialisation libérale, connait des limites et perd son rôle hégémonique en cédant plus de 40% de son attribut de monnaie de transactions et de réserves. La mondialisation a besoin de stabilité, moins de conflits politiques possibles, plus de sécurité dans les transactions, plus de fluidité dans les échanges de marchandises, uniformisation des règles…
Aujourd’hui, les évènements géopolitiques remettent en cause tous ces facteurs structurant la mondialisation (Les Huthis réduisent le commerce internationale transitant par la mer rouge et font perdre plus de 50% des revenus du Canal de Suez (Egypte), la mère noire, par laquelle transitent les céréales des deux grands producteur (Russie et Ukraine), est une zone de guerre, le Pacifique n’est pas en reste lorsqu’on observe les restrictions imposées par la Chine autour de Taiwan, la démonstration de force de l’Australie et de la Nouvelle Zélande face à la Chine avec l’appui des USA, sans oublier le Japon qui disputent à la Chine les Zones d’exclusion maritime. Ce n’est pas par hasard que les coûts logistiques dans le commerce mondial ont augmenté entre 20 à 30% au cours des trois dernières années.
La sécurité alimentaire, qui s’est très rapidement transformée en souveraineté alimentaire, la sécurité énergétique, le changement climatique ont fortement impulsé les réflexes souverainistes, voire même nationaliste et conduit à de nouveaux paradigmes dans les relations économiques internationales. Les prémices de la fin de la mondialisation sont là, les crises en présence vont-elles les exacerber pour aller vers de nouvelles régulations ?
ANOUAR EL ANDALOUSSI