18/09/2025
CHRONIQUE/EDITOCHRONIQUE

La concurrence saine et loyale, facteur de compétitivité et d’innovation

Spread the love

La concurrence, moteur de toute économie compétitive, connaît une situation paradoxale en Algérie. Alors que le cadre législatif est quasiment achevé, les dispositifs de régulation ne sont pas mis en place pour la plupart d’entre eux. C’est ainsi que le Conseil de la concurrence, institué par la première ordonnance de 1995, qui est l’organe clé de l’édifice de régulation des marchés réels en rendant les arrêts, n’a été mis en place qu’en 2013, après plusieurs amendement de la législation sur la concurrence (2003, 2008 et 2010). Il a été finalement installé en 2013 et a commencé ses activités réellement en 2014. Comme, en la matière, c’est la jurisprudence qui est essentielle ; l’économie algérienne ne peut pas s’appuyer sur un droit de la concurrence suffisamment riche. On dispose de quelques décisions du conseil relatives aux affaires traitées entre 2014 et 2019. Ainsi l’abus de position dominante sur un marché a été le thème le plus fréquent dans les saisines du conseil (60% des affaires traitées) et elles mettent en cause aussi bien des entreprises publiques que privées, soit entre elles, soit avec les administrations publiques. La pratique déclinatoire supposée dans les marchés publics et la contrefaçon sont aussi des affaires qui ont été traitées par le conseil de la concurrence. Les affaires traitées par le conseil de la concurrence au cours des dernières années révèlent aussi de nombreuses pratiques prohibitives (comportements anticoncurrentiels); elles sont le fait des entreprises publiques ou privées.  

La pratique du droit de la concurrence est encore récente dans notre pays et des pratiques non conformes aux règles sont constatées ici et là, soit par l’administration, soit par les entreprises publiques ou privées, lorsqu’elles ont un pouvoir de négociation ou une puissance de Lobbying.

De manière générale, la législation algérienne sur la concurrence est proche des standards internationaux.

Mais cette législation et cette réglementation ne sont qu’un premier élément. Il faut en outre qu’elles soient appliquée de façon cohérente et rationnelle.L’instrument central de toute politique de promotion de la concurrence est l’organe national de la Concurrence (ici Conseil National de la Concurrence) et le statut qui lui est attribué dont l’indépendance par rapport aux administrations est le facteur clé. Dans beaucoup de pays, cette indépendance est consacrée par l’existence d’un mandat irrévocable et non renouvelable.

En période de transition vers l’économie de marché, qui est un processus inachevé, non pensé et programmé et, dans certains cas, mal conduit, les situations d’optimum sont difficiles à atteindre et les possibilités de déviation des acteurs économiques sont nombreuses en raison de la nature sui generisde la période (coexistence de deux modes de régulation : un marché en gestation et des survivances des dispositifs administratifs d’allocation de ressources).

Durant cette période, l’absence de concurrence est néfaste aussi bien pour les opérateurs économiques que pour les consommateurs.

Cette situation est fortement attractive pour ceux qui sont intéressés par des démarches spéculatives, et constitue en même temps un élément de répulsion pour beaucoup d’industriels aussi bien au moment de la phase d’investissement qu’au moment de l’exploitation.

LA NÉCESSITÉ POUR L’ÉTAT DE S’ASSURER EN PERMANENCE DE L’EXISTENCE D’UNE CONCURRENCE EFFECTIVE SUR LES DIFFÉRENTS MARCHÉS EST UNE EXIGENCE DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE FONDAMENTALE, ELLE EST AUSSI UNE EXIGENCE POUR LE PROCESSUS DES RÉFORMES

L’État régulateur dispose de toutes les prérogatives de puissance publique pour organiser les marchés, surveiller et promouvoir la concurrence et protéger le consommateur.

L’organisation des marchés est la condition principale de la promotion de la concurrence. L’organisation des marchés suppose remplies un certain nombre de conditions :

  • Définition des responsabilités des acteurs, vis-à-vis des produits et des clients;
  • Existence de métiers d’intermédiation bien définis et organisés en ordres professionnels ;
  • Moralisation et éthique dans les pratiques commerciales.

MALGRÉ CES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS, L’ÉCONOMIE ALGÉRIENNE N’ÉVOLUE PAS DANS UN ENVIRONNEMENT CONCURRENTIEL

Et cela, même si en apparence certains segments des marchés de biens et services paraissent caractérisés par la compétition entre les entreprises.

Il ressort des analyses et des évaluations tant internes qu’externes (Banque mondiale, PNUD, FMI…) que le système économique algérien est caractérisé par un fonctionnement peu concurrentiel et une économie informelle en forte croissance. Les raisons de cette situation sont multiples : la structure industrielle est bipolaire, d’un côté des entreprises publiques et privées généralement de taille moyenne ou grande respectant les réglementations et les législations mais avec une gouvernance assez faible et de l’autre un secteur privé, composé de PME et de très petites entreprises individuelles ou familiales dont une part de l’activité est versée dans l’informel.

Dans un tel contexte, la concurrence ne joue pas de façon saine et transparente et si elle se manifeste ici et là dans des segments étroits du marché, elle est souvent déloyale ; ce qui n’aiguise pas la compétitivité et l’innovation.

L’économie informelle, avec ses différentes facettes, est le principal facteur qui fausse le libre jeu concurrentiel par un certain nombre d’infractions :

  • Sous facturation ou absence de facturation ;
  • Contrefaçon ;
  • Corruption ;
  • Évasion et fraude fiscales.

En théorie, il est démontré qu’une économie peu concurrentielle est moins efficiente qu’une économie administrée du point de vue de l’innovation et de l’allocation des ressources. Le consommateur et l’économie dans son ensemble sont les bénéficiaires d’une économie compétitive et concurrentielle.

Actuellement, un avant-projet de loi sur la concurrence est en débat dans les administrations pour être présenté au parlement avant l’été. Le degré  d’autonomie du conseil de la Concurrence par rapport aux autres institutions sera l’indicateur principal de la volonté des pouvoirs publics de faire de la concurrence un facteur de compétitivité de l’économie nationale. 

Anouar El Andaloussi

Publicité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *