Chronique Eco: L’élection présidentielle, c’est fait. Mais il reste maintenant beaucoup à faire.
Le président réélu a déclaré, lors de sa compagne électorale, que son second mandat sera un mandat éminemment économique. Aujourd’hui qu’il est élu président pour un mandat de cinq ans, il n’y a plus de temps à perdre pour entamer ce mandat économique par des décisions fortes et courageuses. Tout le monde le sait, les réformes sont difficiles et ont un coût financier, un coût social et surtout un coût politique. Les conditions sont globalement réunies pour que ces coûts soient les moins lourds possible ; ils sont supportables si les objectifs sont clairs et porteurs d’espoir, et que le partage de ces coûts soit équitable. On estime, qu’au plan économique, la monographie des principales réformes dessine trois grands domaines : le service public, le secteur public marchand et les finances publics. Ces domaines ne sont pas rattachés à un secteur d’activité donné, au contraire ils peuvent couvrir plusieurs secteurs, car aucune réforme sectorielle ne peut avancer si ces domaines ne sont pas assainis.
Pourquoi la réforme du service public est importante ? C’est grâce à la performance du service public que la société est apaisée, sécurisée dans son quotidien, protégée des aléas de la conjoncture et ainsi, elle peut supporter, éventuellement, les coûts des autres réformes dans le domaine économique et social. Avec un service public défaillant, les résistances se cristallisent et les oppositions entre les franges de la société se radicalisent justement sur le partage des coûts des réformes. La réforme du service public doit viser la productivité des organismes et la qualité des prestations (éducation, santé, transport urbain, énergie…). L’Etat doit garantir, au moins, un maintien sur 5ans au prix courant des budgets de ces services, avec une augmentation si nécessaire en cas de croissance de ressources de l’Etat. C’est une réforme qui vise le rendement des ressources déjà disponibles.
Pourquoi la réforme du secteur public marchand est indispensable ? Depuis maintenant plus de vingt ans que cette réforme est annoncée mais jamais réellement définie et encore moins connu une mise en œuvre. Plusieurs tentatives de réformes qui sont restées dans la dimension formelle consistant chaque fois à reconfigurer les portefeuilles des entités, à réorganiser la gouvernance et à « assainir » les comptes de ces entités. Au final, rien n’a changé, de plus en plus de déresponsabilisation des dirigeants, de moins en moins de rendements et d’innovation et de plus en plus de demandes d’intervention du Trésor. Lever le placenta aux EPE pour qu’elle se développe par elle-même. La réforme du SPM s’organisera autour des points suivants : redéfinir le périmètre du secteur public marchand en séparant le concurrentiel du reste et en faisant sortir du SPM les entreprises de service public qui doivent avoir un autre statut, et en définissant avec rigueur et sans état d’âme les entreprises stratégiques. La réforme visera aussi la définition des relations entre l’Etat et ses entreprises. L’Etat doit distinguer ses fonctions entre celles de propriétaire et celles de régulateur. Le propriétaire (l’Etat) ne doit pas ériger une quelconque tutelle de l’administration sur les EPE). L’autonomie de l’EPE est le cœur de toute réforme dans ce domaine. Le SPM sera au cœur d’une politique de ré-industrialisation et de diversification du pays. Il est encore dominant dans plusieurs filières et donc peut jouer le rôle moteur dans les réformes si les conditions de sa performance sont réunies et son management affranchi des « tutelles administratives » et des « rentes budgétaires de l’Etat ». On peut aller vite sur ce dossier, car les problèmes sont connus, les diagnostics élaborés et les voies d’amélioration identifiées. Il est vrai que la résistance au changement est très forte dans le secteur public. La réforme du SPM soulagerait, dans une large mesure, le Trésor public du fardeau des assainissements cycliques.
Pourquoi il est urgent de réformer les finances publiques ? : Les ressources publiques seront toujours insuffisantes face aux besoins croissants du pays pour financer le service public et appuyer le développement. Cette réforme, comme celle du SPM, a souvent été annoncée et chaque fois reportée en raison de sa complexité et de ses impacts sur les autres secteurs. La fiscalité, les niches fiscales devenues stériles, la fiscalisation de l’informel, le rendement fiscal et le recouvrement, les revenus du patrimoine public, la redoutable question des subventions et de leur bonne destination… Il faut chercher l’élargissement de l’assiette, l’équité de l’impôt, et son recouvrement et de l’autre côté, améliorer l’efficacité de la dépense publique (faible plus de résultats avec les mêmes moyens).
Ces trois réformes, comme premier lot, préparent le terrain aux autres.
Les réformes aiguisent les peurs pour certains et les appétits pour d’autres. C’est pourquoi il faut un accompagnement pédagogique (expliquer les réformes) et surtout une politique de communication à destinations des différentes catégories de personnes pour dissiper les craintes, expliquer les objectifs et les enjeux, et surtout donner l’espoir à la fin du processus.
Toute réforme a des coûts, mais le statuquo est le plus coûteux.
ANOUAR EL ANDALOUSSI