Contribution: Sommes-nous prêts à prendre place dans le nouvel ordre mondial ?
Par Abderrahmane Hadef (*)
La géopolitique mondiale traverse une phase de transformation profonde, marquée par l’émergence de nouvelles réalités et des divergences croissantes dans les priorités de développement, de stabilité sécuritaire et politique, ainsi que dans la gestion des responsabilités environnementales.
Ces mutations redéfinissent l’ordre mondial à travers des enjeux majeurs : la raréfaction des ressources naturelles, l’accélération des changements climatiques, les dynamiques démographiques et la concurrence pour l’accès aux financements.
Nous entrons dans une ère de conflits et de confrontations multidimensionnelles, où les luttes d’influence s’intensifient. Pour certains, il s’agit d’imposer un nouveau leadership international ; pour d’autres, la priorité est la survie dans un environnement toujours plus instable.
Les crises au Moyen Orient, en Eurasie, au Sahel et en mer de Chine illustrent l’émergence d’une nouvelle guerre hybride aux ramifications complexes, où la guerre économique, technologique et informationnelle se mêle aux conflits militaires traditionnels. Les alliances se recomposent, et la fragmentation du monde en blocs rivaux semble s’accélérer.
Dans ce contexte, la triptyque sécuritaire souveraineté alimentaire, énergétique et numérique, devient une priorité absolue pour tout État souhaitant préserver son indépendance et renforcer sa résilience face aux chocs extérieurs. L’Algérie, riche en ressources naturelles et dotée d’un potentiel économique important, doit accélérer sa transition vers un modèle de développement plus intégré et diversifié.
- L’indépendance alimentaire repose sur une modernisation de l’agriculture, l’optimisation de l’usage des ressources en eau et l’industrialisation du secteur agroalimentaire. La réduction des importations stratégiques, notamment des céréales et du lait, ainsi que la valorisation des productions locales sont essentielles pour assurer une sécurité alimentaire durable.
- La souveraineté énergétique, traditionnellement centrée sur les hydrocarbures, doit s’élargir à un mix énergétique intégrant pleinement les énergies renouvelables. L’Algérie possède un potentiel solaire immense et pourrait devenir un acteur clé dans la production d’hydrogène vert, contribuant à la transition énergétique mondiale et à l’intégration dans les chaînes de valeur européennes.
- La souveraineté numérique, enfin, passe par un investissement massif dans les infrastructures digitales, le développement d’un écosystème technologique performant et une montée en compétence des ressources humaines dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité et de la blockchain. La digitalisation des services administratifs et économiques est un levier majeur pour améliorer l’attractivité du pays auprès des investisseurs.
Le monde de demain appartiendra à ceux qui sauront conjuguer génie, compétence, culture de l’effort et compétitivité. Pour l’Algérie, cela signifie un repositionnement stratégique en tant que hub industriel et logistique en Afrique et en Méditerranée. Le développement des zones économiques spéciales, l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et l’accélération des réformes économiques sont des piliers fondamentaux de cette ambition.
L’industrialisation ’ ciblée, l’essor du secteur privé et la mobilisation de l’investissement international doivent être les moteurs d’une croissance durable. L’attractivité du pays passe par un environnement des affaires stable et compétitif, en phase avec les standards internationaux.
L’Algérie a les ressources et le potentiel pour jouer un rôle majeur dans la recomposition économique mondiale. Mais seule une vision audacieuse, appuyée par des réformes structurelles et une approche proactive de la coopération internationale, permettra de transformer ces atouts en succès durable.
(*)Senior Expert en développement économique, Numérique, Énergie et diplomatie économique