Gestion des déchets: Cap sur la valorisation
L’Algérie met en avant une nouvelle dynamique en matière de gestion des déchets, portée par une volonté claire de rompre avec les pratiques traditionnelles pour s’inscrire dans une logique d’économie circulaire. Fatma Zohra Barça, directrice générale de l’Agence nationale des déchets, invitée de la « Chaîne I » de la radio nationale, a souligné l’importance de bâtir une gouvernance environnementale moderne, fondée sur la valorisation des ressources et la responsabilisation collective.

Depuis l’adoption, en février 2025, de la loi 25-02, une refonte en profondeur du cadre juridique encadrant la gestion des déchets a été engagée. Ce nouveau texte vient combler les lacunes d’une législation vieille de plus de vingt ans, en introduisant notamment de nouvelles obligations pour les collectivités locales et les producteurs. Il dote également le pays d’un système national d’information sur les déchets, permettant de suivre en temps réel les flux, leur nature, leur origine, les quantités collectées et les modes de traitement disponibles. Cet outil offre ainsi une visibilité stratégique pour mieux orienter les politiques publiques et guider les investissements vers les filières les plus prometteuses. Cependant, malgré ces avancées structurelles, la situation reste préoccupante. Le taux de valorisation des déchets en Algérie demeure limité à 10 %, un chiffre qui reflète principalement les efforts concentrés sur les déchets ferreux et plastiques, seuls à bénéficier d’un réseau structuré de récupération. Les déchets organiques, qui représentent pourtant plus de la moitié du volume total des déchets ménagers, restent largement inexploités. Pour Fatma Zohra Barça, cette situation peut et doit évoluer : en valorisant ne serait-ce qu’une fraction de ces matières biodégradables, l’Algérie pourrait franchir un cap important dans la réduction de son empreinte écologique.
Pour inverser la tendance, plusieurs projets concrets sont déjà en cours. Des infrastructures de compostage ont été réalisées ou sont en voie d’achèvement dans différentes régions du pays. Leur mise en service permettra de mobiliser le potentiel jusque-là dormant des déchets organiques tout en offrant de nouvelles opportunités économiques aux collectivités. Cette dynamique s’accompagne d’un soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat, illustré par la montée en puissance de startups spécialisées dans la gestion numérique des déchets, la logistique verte ou encore le recyclage de produits électroniques.
La gestion des déchets spécifiques, à l’instar de ceux générés durant l’Aïd El-Adha, bénéficie également d’un dispositif renforcé. Chaque année, d’importantes quantités de peaux d’ovins s’accumulent dans l’espace urbain, avec un fort potentiel de nuisance s’ils ne sont pas pris en charge rapidement. Pour éviter leur dégradation à l’air libre, un plan intersectoriel est mis en œuvre, mobilisant les collectivités, les entreprises de collecte et les opérateurs de valorisation. « Ce type de déchet, mal pris en charge, devient un polluant majeur. Mais entre de bonnes mains, il peut devenir une matière première pour l’industrie du cuir ou pour d’autres usages », a expliqué Mme. Barça. Parallèlement, le tri sélectif, longtemps perçu comme une solution structurante, fait l’objet d’une relance après les expériences pilotes menées entre 2013 et 2015. Ces initiatives ont révélé une adhésion encourageante de la population, en particulier au sein des ménages et des établissements scolaires. Toutefois, le manque de moyens logistiques a freiné leur généralisation. Aujourd’hui, avec la mise en œuvre du principe de responsabilité élargie du producteur, l’État entend renforcer l’ensemble de la chaîne, depuis la collecte jusqu’à la valorisation.
Dans ce contexte, la sensibilisation demeure un levier incontournable. À l’occasion de la journée mondiale de l’environnement, l’Agence nationale des déchets a organisé à Alger une série d’activités éducatives axées sur la lutte contre les déchets plastiques. Ateliers pour enfants, concours citoyens et campagnes de communication ont rappelé que la protection de l’environnement commence dans chaque foyer, à travers des gestes simples et quotidiens. Pour Fatma Zohra Barça, l’Algérie est en train de franchir un tournant. Les outils sont là, les projets se concrétisent, et la conscience collective grandit. Ce qu’il faut désormais, affirme-t-elle, c’est accélérer le rythme, renforcer les synergies et faire de la transition écologique non pas une contrainte, mais une opportunité. « La question n’est plus de savoir s’il faut changer, mais comment aller plus vite et plus loin », a-t-elle conclu avec conviction.
Par Mourad A.