18/09/2025
ACTUALITENATIONAL

Intégration africaine: Des ambitions et des défis à relever

Spread the love

En accueillant la 4ᵉ édition de l’Intra-African Trade Fair (IATF 2025), Alger a donné le ton. Le pays entend s’imposer comme un moteur de l’intégration économique africaine. Du 4 au 10 septembre, chefs d’État, experts et hommes d’affaires se sont réunis au Centre international des conférences Abdelatif Rahal pour débattre d’un enjeu majeur : faire passer la part des échanges intra-africains de 15 % aujourd’hui à 60 % d’ici 2040. Un objectif ambitieux qui placerait le continent au niveau de l’Europe et de l’Asie.

Invité sur le plateau d’AL24 News, le professeur Mohamed Chérif Belmihoub, économiste et ancien ministre algérien de la Prospective, a insisté avec force : « Nous ne pouvons plus nous contenter de parler de potentiel. Soixante ans après les indépendances, l’Afrique doit bâtir une véritable stratégie d’intégration ». Pour lui, le défi est autant économique que géopolitique. L’Afrique, a-t-il rappelé, reste le continent le moins intégré, notamment en Afrique du Nord, où les économies, malgré leurs ressources, contribuent faiblement au PIB continental. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

L’Afrique représente près de 20 % de la superficie terrestre mondiale et 20 % de la population mondiale, dont 60 % ont moins de 25 ans. Pourtant, le continent ne génère qu’un PIB de 3 000 à 3 400 milliards de dollars, soit moins que l’Allemagne avec ses 4 500 à 7 600 milliards de dollars. Pire, les cinq premiers pays africains concentrent 55 % du PIB, et les dix premiers, 75 %, laissant plus de 40 pays dans une situation de « micro-économies ».

Pour Mohamed Bacha, docteur en macroéconomie et ancien ministre de l’Industrie, l’organisation de l’IATF en Algérie est tout sauf un hasard. « C’est une impulsion nouvelle. L’Algérie, par son histoire et sa vocation panafricaniste, a toujours porté la cause de l’intégration. Notre pays veut aujourd’hui transformer ce rôle politique en un moteur économique », a-t-il souligné. La question des corridors logistiques s’impose comme l’un des leviers de cette transformation.

Neuf grands corridors transafricains ont été identifiés par l’Union africaine, parmi lesquels la route Transsaharienne Alger-Lagos, symbole d’une connectivité nouvelle entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Mais les défis restent lourds : coûts de transport prohibitifs (50 à 70 dollars la tonne pour 1 000 km par rail, 150 dollars par route, et jusqu’à 2 000 dollars par avion), délais douaniers interminables et absence d’harmonisation des normes. « La mobilité des marchandises est contrainte par le manque d’infrastructures et par le poids des législations nationales. Sans corridors fonctionnels, il n’y a pas de marché continental », a insisté le professeur Belmihoub.

Si les infrastructures sont essentielles, l’enjeu reste surtout l’industrialisation. Plus de 70 % des exportations africaines reposent encore sur les matières premières, souvent bradées : le cacao, par exemple, est vendu brut à moins de 3 dollars la tonne, puis revendu transformé à 15 dollars les 20 grammes. « On ne commerce pas ce qu’on ne produit pas. L’Afrique doit s’industrialiser, valoriser ses chaînes de valeur et cesser d’exporter sa richesse à l’état brut », a tranché Mohamed Bacha. L’autre enjeu majeur est financier.

La Banque africaine de développement estime à 180 milliards de dollars par an pendant dix ans les besoins d’investissement pour moderniser les infrastructures. Mais l’Afrique reste dépendante des institutions internationales. « Sur 29 pays ayant subi des programmes d’ajustement structurel du FMI, 22 sont africains. Très peu en sont sortis positivement », a rappelé Pr. Belmihoub, plaidant pour la création d’une agence africaine de notation de crédit. Malgré ces contraintes, l’espoir domine à Alger. L’IATF 2025 est présenté comme un laboratoire de solutions africaines aux défis africains. En visant 60 % d’échanges intra-continentaux d’ici 2040, l’Afrique trace un cap clair.

Mais la route sera longue, et comme l’a résumé Belmihoub, « il ne suffit pas de rêver l’intégration, il faut la construire, pas à pas, par la production, par l’industrialisation et par une véritable volonté politique ».

Par M. A.

Publicité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *