Irrigation agricole: Seulement 18 % des eaux usées épurées sont réutilisées !
Le recours aux eaux usées épurées émerge comme une solution incontournable face à la raréfaction des ressources en eau, exacerbée par les effets du changement climatique en Algérie. La disponibilité de l’eau dans le pays, déjà limitée, a été gravement impactée par des variations climatiques de plus en plus marquées, rendant nécessaire l’exploration de sources alternatives pour pallier le déficit hydrique. Parmi ces alternatives, le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées épurées figurent en première ligne pour répondre aux besoins croissants, notamment dans le secteur de l’agriculture, a indiqué Salah Lehlah, inspecteur général à l’Office national d’assainissement (ONA).
Invité de la « Chaîne III » de la radio nationale, Salah Lehlah a souligné que les stations d’épuration en Algérie jouent un rôle crucial dans cette dynamique. « Nous disposons de 230 stations d’épuration en activité, capables de traiter plus d’un milliard de mètres cubes d’eau chaque année. Cependant, seule une petite fraction de cette eau traitée, environ 97 millions de mètres cubes, soit 18 %, est actuellement réutilisée pour l’irrigation, limitant ainsi le potentiel de cette ressource pourtant disponible en grande quantité », a-t-il expliqué.
Pour inverser cette tendance, l’inspecteur met en avant les initiatives ambitieuses mises en place par l’État : « Nous avons signé une convention visant à fournir de l’eau épurée pour irriguer des cultures stratégiques telles que les céréales, les légumes secs et les graines oléagineuses. Ce projet est lancé à travers des fermes-pilotes couvrant actuellement 66 000 hectares. L’objectif est d’étendre cette superficie à un million d’hectares, ce qui constitue un pas décisif vers une agriculture plus durable et résiliente face aux défis climatiques. »
L’inspecteur a également évoqué la nécessité d’introduire des traitements tertiaires dans les stations d’épuration, soulignant l’impératif de leur mise en place pour rendre cette réutilisation plus efficace et étendue. « Ces traitements avancés permettraient de rendre l’eau épurée adaptée à une irrigation moins restrictive, ouvrant ainsi la voie à une plus grande diversité de cultures pouvant bénéficier de cette ressource », a-t-il précisé. Il a ajouté que cette expansion des traitements et de la réutilisation des eaux usées nécessiterait un investissement majeur : « Un budget de 155 milliards de dinars a été alloué pour la réhabilitation des infrastructures existantes et la modernisation des stations d’épuration. Cette initiative comprend l’ajout de traitements tertiaires, ce qui permettra d’augmenter considérablement le volume d’eau réutilisable, non seulement pour l’agriculture, mais également pour d’autres secteurs comme l’industrie. »
Salah Lehlah a insisté sur l’importance de l’utilisation industrielle de l’eau épurée dans la gestion des ressources en eau. « Certaines industries, comme la sidérurgie, consomment d’importantes quantités d’eau, souvent potable. Dans ce contexte, un programme est actuellement en cours pour raccorder ces industries aux stations d’épuration, afin de réduire leur dépendance à l’eau potable et optimiser ainsi l’utilisation des ressources en eau disponibles », explique-t-il. Il ajoute que cette démarche contribue non seulement à la préservation de l’eau potable, mais aussi à une gestion plus efficace des ressources en eau dans tout le pays : « En réorientant les besoins industriels vers l’eau épurée, nous participons activement à une meilleure gestion globale de l’eau, tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles. »
Par ailleurs, M. Lehlah a précisé que la question de la valorisation de l’eau épurée pourrait évoluer, car cette ressource est actuellement cédée gratuitement. « À l’avenir, une tarification pourrait être mise en place afin d’encourager une utilisation plus rationnelle, éviter le gaspillage et mieux valoriser cette ressource précieuse », a-t-il expliqué.
Par Mourad A.