L’inflation: un fléau économique et social dangereux et contagieux
Dans une précédente chronique, nous avons insisté sur le rôle des banques centrales dans la lutte contre l’inflation, qui constitue d’ailleurs leur principale mission statutaire. L’inflation devient la principale préoccupation des consommateurs. En effet, la flambée des prix de certains produits alimentaires (viandes, légumes essentiellement) durant le dernier Ramadan a grandement affecté le pouvoir d’achat des titulaires de revenus faibles ou même moyens. Les pouvoirs publics ont réagi par des mesures budgétaires de soutien au pouvoir d’achat et par une régulation par l’importation de grandes quantités de produits de grande consommation (essentiellement la viande rouge et les céréales) à l’effet de juguler la hausse des prix sur les marchés.
Aujourd’hui, nous donnons quelques pistes pour lutter contre l’inflation.
La théorie comme la pratique économique nous enseignent qu’il y a plusieurs instruments pour lutter contre l’inflation ; cependant ces instruments ne sont ni universels, ni interchangeables. Pour être efficace, un instrument (un remède) doit être choisi en fonction des causes et des symptômes de la maladie. La vague d’inflation actuelle a d’abord été importée, résultant fin 2021 (reprise post‑Covid) puis début 2022 (la guerre russo-ukrainienne), qui ont impacté les prix des produits agricoles dont les deux pays en conflit en sont les principaux producteurs. Dans la majorité des pays, les deux postes de la consommation les plus affectés sont l’énergie et l’alimentation ; en Algérie, notre souveraineté énergétique nous a épargnés des effets de l’augmentation des prix internationaux de l’énergie.
Au-delà de l’inflation importée, c’est l’inflation interne (qui peut être induite par celle importée) qu’il faut combattre. C’est là précisément que la politique monétaire peut et doit agir. La maladie de l’inflation serait en effet d’autant plus grave qu’elle s’installerait durablement : le pouvoir d’achat serait significativement touché, alors qu’il est finalement resté préservé en moyenne en 2021 et 2022 etdevrait l’être à nouveau en 2023, même si telle n’est pas à l’évidence la perception de nos concitoyens. Le danger serait l’emballement d’une spirale prix‑salaires, et d’une spirale prix‑marges dans certains secteurs. Le traitement budgétaire ne lutte pas directement contre l’inflation mais sauvegarde le pouvoir d’achat (compense les effets de l’inflation). Sur ce volet de l’intervention budgétaire et de la protection du pouvoir d’achat, l’Algérie a fourni des efforts considérables ; cependant il y a une limite à cette intervention par le budget, sauf à financer les déficits par la création monétaire (dette du trésor envers la banque centrale), ce qui engendrera à terme une inflation si la croissance n’est pas immédiate et durable. C’est pourquoi, les autres instruments doivent être mobilisés parallèlement : la politique monétaire et l’augmentation de l’offre sur les marchés. L’augmentation perpétuelle de l’offre par les produits importés n’est pas la meilleure des solutions. L’offre locale peut être vertueuse, car elle est le résultat d’une activité locale induite par une augmentation de la production et du niveau de l’emploi de la main d’œuvre locale. La banque centrale doit fixer un seuil à l’inflation et définir les instruments appropriés pour atteindre cet objectif. Agir sur les taux directeurs mais sans obérer les crédits accordés aux entreprises et particulièrement pour l’investissement. En fixant un seuil d’inflation (objectif raisonnable et réaliste) et un horizon pour l’atteindre, la banque centrale améliore la confiance des ménages et des entreprises et ainsi anticipe sur les effets psychologiques sur les marchés. Combiner la politique budgétaire (qui inclut la politique fiscale) et la politique monétaire dans des dosages appropriés est la meilleure voie pour juguler l’inflation ; car un mauvais dosage peut conduire à une stagflation (récession et inflation), la situation la plus redoutée pour une économie.