Production de véhicules électriques: L’Algérie peut devenir un acteur majeur
Lors de la 12ᵉ édition des Journées scientifiques et techniques de Sonatrach (JST), tenue au Centre de conventions d’Oran, le Pr. Karim Zeghib, éminent chercheur à l’Université de Concordia au Canada et expert mondialement reconnu des batteries lithium-ion, a affirmé avec force que L’Algérie dispose de toutes les ressources, humaines, naturelles et géostratégiques, pour devenir un acteur majeur de la voiture électrique.

Intervenant dans une série de panels consacrés aux technologies de l’énergie, Pr. Zeghib a détaillé les fondements d’un écosystème propice au développement d’une industrie nationale de véhicules électriques. Selon lui, l’Algérie possède les minéraux critiques essentiels à la fabrication des batteries lithium-ion, notamment le lithium, le fer, le phosphate, le graphite, le nickel, le cuivre et le manganèse. « Nous avons tous les composants nécessaires pour produire localement des batteries de type lithium fer phosphate. Cela représente un atout stratégique considérable », a-t-il souligné. L’expert a aussi mis en avant les ressources énergétiques abondantes et bon marché dont dispose le pays. « L’Algérie a du gaz, du pétrole, une énergie peu coûteuse, et c’est fondamental pour la transformation minière et industrielle », a-t-il affirmé.
Outre ses richesses naturelles, l’Algérie bénéficie d’une position géographique stratégique, avec 2,38 millions de km² de superficie, 1 600 km de littoral et plusieurs ports en eaux profondes (Annaba, Jijel, Alger, Oran) facilitant les exportations. « L’Algérie est la porte de l’Afrique et aussi de l’Europe, avec des partenaires solides comme l’Italie et l’Allemagne », a-t-il rappelé, tout en évoquant la nécessaire coopération Sud-Sud, en particulier avec des pays riches en minerais critiques comme le Congo ou l’Afrique du Sud, en vue de constituer une filière continentale.
Pour Pr. Zeghib, le développement de cette filière ne peut se faire qu’à travers une gouvernance étatique forte. « Le lithium est une question de sécurité nationale. Ce n’est pas au privé de gérer cela. Il faut des compagnies publiques dédiées, comme on gère Sonatrach », a-t-il martelé. Il s’est fermement opposé à toute privatisation des ressources stratégiques : « Je ne suis pas contre le privé, mais il doit se concentrer sur la sous-traitance ou des domaines non stratégiques. Le lithium, c’est pour l’État ».
Fort de ses 40 ans d’expérience, 1 070 brevets et d’une longue carrière à Hydro-Québec, Pr. Zeghib a appelé à un plan stratégique clair, par étapes. « Il faut réfléchir à court, moyen et long termes, et ne pas se disperser. Il faut se focaliser sur la chaîne de valeur : cathode, cellule, puis batterie ». Il a conseillé de démarrer par la fabrication de cathodes à base de lithium fer phosphate, une technologie éprouvée et plus accessible pour un premier saut industriel. Dans un ton particulièrement engagé, le Pr. Zeghib a salué la volonté politique actuelle. « J’ai été reçu par le président Tebboune. J’ai vu une vision claire, une écoute respectueuse et une compréhension fine des enjeux », a-t-il confié. Il a également exprimé son admiration pour le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, et le professeur Noureddine Yassaa, saluant leur réactivité et leur engagement. Comparant la dynamique algérienne à celle du Canada, où plus de 150 milliards de dollars ont été investis dans la transition énergétique, il estime que l’Algérie peut suivre le même chemin à condition de se donner les moyens et de bien choisir ses partenaires.
Le chercheur a aussi évoqué le rôle que pourraient jouer les jeunes entrepreneurs algériens, notamment dans la fabrication de bornes de recharge, un maillon essentiel de l’écosystème électrique : « Cela ne nécessite pas des milliards. En un an, avec les jeunes, l’Algérie peut devenir un modèle africain ». Il a proposé des incitations concrètes pour accélérer l’adoption des voitures électriques : « Aujourd’hui, l’Algérie ne fabrique pas encore de voitures. Il faut exonérer complètement les droits de douane pour tout véhicule électrique ou hybride rechargeable importé ». Il a également cité l’exemple du Québec, où il a bénéficié de 13 000 dollars de subvention pour l’achat d’un véhicule électrique et d’une borne domestique.
Pour Pr. Zeghib, tous les signaux sont au vert : ressources naturelles abondantes, volonté politique forte, capital humain qualifié et environnement géographique favorable. Il reste maintenant à transformer cette opportunité en projet industriel concret, structuré, souverain et durable. « Ce que j’ai vu ici, je ne l’ai jamais vu auparavant en Algérie. Si on garde le cap, l’Algérie a vraiment tout pour devenir un leader africain de la voiture électrique ».
Par Mourad A.