Projets d’interconnexion entre barrages: L’hydro-solidarité pour pallier le stresse hydrique
Face à un stress hydrique de plus en plus marqué, l’Algérie déploie une stratégie ambitieuse fondée sur le principe d’hydro-solidarité : une répartition équitable des ressources en eau, rendue possible par un vaste réseau national de transferts inter-barrages.

Alors que certaines régions du pays disposent de barrages remplis à 100 %, d’autres continuent de faire face à un déficit hydrique. Pour y remédier, l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT) mise sur l’interconnexion des infrastructures et sur le transfert direct des eaux des zones excédentaires vers les régions déficitaires. Cette politique, inspirée par les orientations stratégiques du président de la République, vise à instaurer une équité hydrique à l’échelle nationale.« La solidarité entre les territoires est au cœur de notre action », a affirmé Abdelatif Azira lors de son intervention sur la « Chaîne III » de la radio nationale.« C’est pourquoi nous avons développé un maillage de transferts d’eau d’un barrage à un autre, d’une région à une autre. Certains projets sont déjà en exploitation, d’autres en cours de réalisation ou en phase d’étude », a-t-il ajouté.
Parmi les projets emblématiques, la station de transfert de Béni Haroun, dans l’est du pays, fait figure de référence. Ce dispositif, qualifié par M. Azira de « prototype unique au monde », peut transférer jusqu’à un million de mètres cubes d’eau par jour. Il alimente actuellement six à sept wilayas, et son extension devrait desservir des localités supplémentaires, telles que Biskra et M’Sila. Autre projet stratégique : le transfert d’eau vers Béchar, destiné à renforcer la sécurité hydrique dans le sud du pays, où les ressources naturelles sont plus limitées. À travers cette dynamique, l’Algérie devient l’un des rares pays à mettre en œuvre une politique nationale de transferts Nord-Sud, une démarche peu courante, même en Europe, a souligné le responsable.
Transition énergétique et gestion intelligente des barrages
Au-delà de l’enjeu de la solidarité territoriale, la gestion des barrages en Algérie est en pleine mutation grâce à l’intégration des technologies intelligentes et des énergies renouvelables.« La gestion classique a montré ses limites. Aujourd’hui, nous devons évoluer vers des outils modernes, plus performants, plus durables », a déclaré M. Azira. Cette ambition se concrétise par le lancement de projets solaires photovoltaïques visant à alimenter en électricité les infrastructures hydrauliques. L’objectif est double : produire de l’électricité verte pour l’autoconsommation et réduire l’évaporation de l’eau, un phénomène aggravé par le réchauffement climatique.
En parallèle, l’ANBT a signé un protocole d’accord avec des partenaires chinois pour intégrer l’intelligence artificielle dans le suivi et la gestion des barrages. À cela s’ajoute un projet de drone bathymétrique, développé en partenariat avec un centre de recherche national, qui permettra de cartographier en temps réel les fonds des barrages afin d’anticiper l’envasement.« Notre objectif est clair : transformer la gestion de la ressource en eau en un modèle intelligent, efficace et préventif. Chaque goutte compte, chaque mètre cube est surveillé, analysé, rationalisé », a insisté le directeur général de l’ANBT.
Conscient de la pression croissante sur les ressources hydriques, Abdelatif Azira a lancé un appel solennel à la population : « L’eau devient rare, précieuse, et sa mobilisation coûte très cher à l’État. Nous appelons tous les citoyens à en faire un usage raisonné, surtout à l’approche de l’été». En parallèle, l’agence poursuit ses efforts pour valoriser les ressources associées aux barrages : aquaculture, pêche continentale, mais aussi réutilisation des sédiments dans l’agriculture ou l’industrie du ciment.
Dans un pays fortement exposé aux effets du changement climatique et à une pluviométrie irrégulière, la politique de l’ANBT se veut à la fois pragmatique, innovante et solidaire. Elle place l’Algérie à l’avant-garde de la gestion de l’eau dans les zones arides. « Nous avons acquis un vrai savoir-faire dans la gestion hydrique en contexte difficile », a affirmé M. Azira. « Ce que nous faisons aujourd’hui en Algérie peut servir de modèle à d’autres pays confrontés aux mêmes défis », a-t-il conclu.
Par M A.