Résilience économique de l’Algérie: Plaidoyer pour la création de deux fonds souverains
Face à la volatilité persistante du marché énergétique mondial et à un climat géopolitique de plus en plus incertain, l’expert international en énergie, Mourad Preure, a préconisé une stratégie à la fois rigoureuse et audacieuse. Dans une intervention diffusée sur la « Chaîne III » de la radio nationale, il a insisté sur la nécessité pour l’Algérie de mettre en place deux fonds souverains, l’un à vocation nationale et l’autre à portée internationale, afin de renforcer sa résilience économique et amorcer une véritable transformation structurelle.
Dans un monde traversé par des turbulences économiques, une transition énergétique désordonnée et des tensions géopolitiques croissantes, l’Algérie, selon lui, doit adopter une posture de vigilance sans renoncer à l’ambition. « L’Algérie doit adopter une politique prudentielle, stricte », a-t-il affirmé d’emblée, en insistant sur l’importance d’une gestion méticuleuse des ressources. « L’allocation des ressources financières doit être extrêmement rigoureuse », a-t-il ajouté, soulignant que la discipline budgétaire est un fondement incontournable de toute politique économique viable.
Il propose tout d’abord la création d’un fonds souverain national, destiné à soutenir l’économie intérieure en finançant directement les acteurs économiques, qu’ils soient publics ou privés. Ce fonds agirait comme levier d’investissement dans des projets stratégiques visant notamment à réduire la dépendance aux importations et à développer des chaînes de valeur locales. « Ce fonds permettra de vendre des dollars à des investisseurs algériens à des taux qui leur permettront de créer de la richesse »,a-t-il expliqué, avant de souligner que « soutenir l’offre interne » est aujourd’hui un impératif pour asseoir une croissance durable. Dans cette perspective, l’Algérie est appelée à valoriser ses ressources naturelles, humaines et industrielles dans une logique de souveraineté économique.
En parallèle, Mourad Preure a défendu l’idée d’un second fonds, cette fois-ci à dimension internationale, qui permettrait à l’Algérie de tirer profit des fluctuations actuelles de l’économie mondiale. Il a estimé que les crises globales, bien que porteuses d’instabilité, peuvent aussi représenter des opportunités d’investissement. « Il faut profiter de cette crise pour faire des acquisitions d’actifs. C’est maintenant que les opportunités se présentent »,a-t-il insisté. Contrairement à une idée répandue, il précise que de telles opérations n’impliquent pas nécessairement des sorties massives de devises. « Vous n’allez pas payer l’actif cash. Vous sollicitez des crédits adossés à la cible. Si vous investissez 3 milliards de dollars pour 33 % d’une entreprise qui en vaut 10, le reste peut être financé par emprunt »,a-t-il illustré, mettant ainsi en lumière les mécanismes de financement modernes qui permettent de limiter les risques tout en maximisant les bénéfices.
Son analyse repose sur une lecture précise des équilibres géopolitiques et des dynamiques du marché mondial. Il a alerté notamment sur la situation actuelle du marché pétrolier, marqué par une surabondance de l’offre avec un excédent compris entre 100 000 et 800 000 barils par jour selon les estimations internationales, et sur les difficultés économiques que connaissent plusieurs grandes puissances, comme les États-Unis, la Chine ou l’Union européenne. « Nous entrons dans une zone de turbulences. On ne peut même plus prévoir ce qui se passera en juin prochain, tant les signaux sont contradictoires », a-t-il prévenu. Dans ce climat d’incertitude, il a estimé que seule une politique claire, rigoureuse et bien structurée permettra à l’Algérie non seulement d’amortir les chocs extérieurs, mais aussi de tirer avantage des bouleversements en cours.
Au-delà des outils financiers, Mourad Preure a appelé à une vision globale en matière de politique énergétique. Il a insisté sur la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique, de développer les énergies renouvelables et de renforcer l’intégration industrielle. Selon lui, « l’Algérien consomme deux fois plus d’énergie pour produire une unité de PIB qu’un citoyen de l’OCDE », un déséquilibre qui freine la compétitivité du pays et limite ses capacités d’exportation. Il a également évoqué des solutions concrètes pour un urbanisme et des transports plus durables, comme le recours au transport scolaire privé pour réduire la consommation de carburant et désengorger les routes.
Dans le cadre de la transition énergétique, il a mis en avant le potentiel solaire exceptionnel de l’Algérie, avec ses 3 500 heures d’ensoleillement sur plus de 86 % du territoire, ainsi que les opportunités offertes par l’hydrogène vert. Toutefois, il a rappelé que ces ambitions doivent tenir compte des réalités environnementales, notamment du stress hydrique auquel le pays est confronté, avec seulement 300 m³ d’eau par habitant, bien en deçà du seuil de pénurie fixé à 1 000 m³.Enfin, il a insisté sur la nécessité de désenclaver le Grand Sud, en l’intégrant pleinement au reste du pays par le biais d’infrastructures modernes, telles que des voies ferrées électrifiées. Une telle approche s’inscrit dans une logique d’équité territoriale et de développement harmonisé.
Par Mourad A.