Transition énergétique: Cap sur l’hydrogène vert
Alors que la planète accélère sa course vers les énergies propres, l’Algérie mise sur l’hydrogène vert pour transformer son modèle énergétique. Avec un programme ambitieux de 15 000 MW, des projets industriels structurants et une ouverture vers l’Afrique et l’Europe, le pays se positionne comme un futur hub régional de l’énergie verte.
L’Algérie amorce une étape décisive dans sa transition énergétique, plaçant l’hydrogène vert au cœur de sa stratégie de diversification. Fortement dépendante des hydrocarbures, l’économie nationale s’ouvre aujourd’hui à un nouveau modèle énergétique fondé sur le solaire, l’éolien et l’innovation industrielle, avec l’ambition de devenir un acteur régional et international de premier plan. « Depuis 2023, l’Algérie a adopté une vision nouvelle pour les énergies renouvelables, attirant à la fois des investisseurs locaux et étrangers », a expliqué Boukhalfa Yaici, directeur général du Green Energy Cluster Algeria, lors de son passage à la télévision algérienne. Parmi les projets structurants, figure la réalisation d’une centrale de 3 200 MW en cours, qui sera suivie par 1 500 MW supplémentaires entre 2026 et 2027. À terme, le programme national prévoit de déployer 15 000 MW, une capacité considérée comme une véritable rampe de lancement vers l’hydrogène vert.
Le professeur Yaici a rappelé que l’hydrogène vert repose sur trois ressources naturelles largement disponibles en Algérie : le soleil, le vent et l’eau. « Toutes les études confirment que l’Afrique du Nord sera un futur pôle mondial de production d’hydrogène vert à des coûts compétitifs », a-t-il souligné. L’objectif affiché ne se limite pas à la production brute. L’Algérie veut aussi se positionner dans la transformation et la valorisation industrielle de cette ressource, à l’image de ce qu’elle a longtemps fait avec le gaz naturel. Un projet pilote de conversion de moteurs diesel de bus en moteurs à hydrogène a d’ailleurs été lancé, sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Pour Yaici, « c’est une première étape pour intégrer progressivement l’hydrogène vert dans la mobilité et créer une dynamique industrielle locale ».
Au-delà de l’hydrogène, l’Algérie mise sur l’essor des batteries lithium-ion, indispensables à la mobilité électrique et au stockage énergétique. Le pays entend valoriser ses ressources minières en collaboration avec des experts de la diaspora, tel le professeur Zaghib, reconnu mondialement pour ses travaux sur les batteries. « Si nous ne maîtrisons pas la matière première comme le silicium ou le lithium, nous ne pourrons pas être compétitifs », a insisté le professeur. L’Algérie a d’ores et déjà engagé un partenariat industriel avec des opérateurs chinois pour la production de verre destiné aux panneaux solaires, un élément clé pour augmenter le taux d’intégration locale. Cette industrialisation vise à réduire les coûts, créer des emplois et garantir une meilleure compétitivité sur le marché mondial.
L’ouverture africaine et les défis européens
L’hydrogène vert s’inscrit aussi dans une stratégie géopolitique. En Afrique, où 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, l’Algérie ambitionne de développer des micro-réseaux solaires pour électrifier les zones isolées et exporter son savoir-faire. « L’Algérie peut jouer un rôle majeur dans l’électrification du continent et dans la promotion d’un modèle énergétique durable », a affirmé Yaici. Sur le plan européen, les enjeux sont tout aussi cruciaux. Dès 2026-2027, l’Union européenne imposera de nouvelles contraintes carbone sur l’acier, menaçant les exportations traditionnelles algériennes. « Pour continuer à accéder au marché européen, il faudra fournir soit des électrons verts, soit des molécules d’hydrogène vert », a averti le président du Green Energy Cluster Algeria, qui voit dans cette contrainte une opportunité pour accélérer la transition.
Avec ces projets, l’Algérie ne veut plus se contenter du rôle de fournisseur d’énergie brute. Elle ambitionne de devenir un producteur de solutions technologiques et de valeur ajoutée dans le secteur énergétique. « Ce que nous construisons aujourd’hui n’est qu’un point de départ. La véritable bataille, c’est l’hydrogène vert, et nous devons la gagner », a conclu Boukhalfa Yaici.
Par Mourad A.