460 MW de panneaux solaires importés en trois mois: L’Algérie accélère sa transition énergétique
Au premier trimestre 2025, l’Algérie a enregistré un niveau record d’importations de panneaux solaires chinois, illustrant la volonté du pays de transformer en profondeur son modèle énergétique. L’Algérie accélère sa transition énergétique, dans le cadre d’une stratégie nationale ambitieuse visant à réduire sa dépendance au gaz naturel et à diversifier son mix de production électrique.
Selon les données de la plateforme spécialisée « Attaqa.net », le pays a importé près de 460 mégawatts (MW) de panneaux solaires de Chine entre janvier et mars 2025, soit la plus forte capacité trimestrielle jamais atteinte. Ce volume dépasse nettement celui du dernier trimestre de 2024, qui s’élevait déjà à 340 MW. Le mois de janvier 2025, à lui seul, représente 390 MW, établissant ainsi un record mensuel. En comparaison, les importations des mois de février et mars ont été plus modestes, avec respectivement 10 MW et 60 MW. Actuellement, 98,65 % de l’électricité en Algérie est produite à partir du gaz naturel, tandis que les énergies renouvelables ne représentent que 0,94 % du mix énergétique, dont 0,9 % pour le solaire. Ce déséquilibre, que le gouvernement souhaite résorber, fait l’objet d’objectifs clairs : d’ici à 2030, les autorités ambitionnent de porter la part des renouvelables à 27 % de la production électrique nationale. Pour y parvenir, le pays prévoit l’installation de 15 000 MW de capacités renouvelables supplémentaires d’ici 2035.
Dans cette optique, les pouvoirs publics multiplient les initiatives, notamment dans le secteur solaire, avec le soutien actif de Sonelgaz, l’entreprise nationale de l’électricité. Au premier trimestre 2025, le chantier d’une nouvelle centrale solaire de 80 MW a été lancé sur une superficie de 160 hectares, avec une mise en service de la première phase prévue entre la fin de 2025 et le début de 2026. Cette infrastructure fait partie intégrante d’un vaste programme national visant à développer 3 000 MW de capacité solaire, répartis sur 20 centrales. Ce programme repose sur deux appels d’offres : le premier, couvrant 15 centrales totalisant 2 gigawatts (GW), et le second, 5 centrales supplémentaires pour un total de 1 GW. Ces projets viennent s’ajouter à plusieurs initiatives majeures déjà engagées en 2024. En mars, une centrale de 200 MW a été mise en chantier, suivie en avril par trois nouvelles unités d’une capacité respective de 150 MW, 220 MW et 80 MW. Ces réalisations marquent un tournant dans la stratégie énergétique nationale, en réduisant progressivement la dépendance aux énergies fossiles, au profit du solaire appelé à devenir un pilier essentiel du système électrique algérien.
Cette transition bénéficie également d’un soutien international important. En avril 2025, l’Algérie a lancé le programme TaqatHy+, cofinancé par l’Union européenne et l’Allemagne, pour un montant de 28 millions d’euros, soit environ 31,91 millions de dollars. Prévu jusqu’en 2029, ce programme vise à renforcer les capacités institutionnelles et techniques du pays, à créer un environnement propice au développement des énergies renouvelables, et à favoriser l’émergence d’un écosystème dédié à l’hydrogène vert, considéré comme une composante stratégique de la transition énergétique bas-carbone. Malgré cette dynamique encourageante, la capacité installée en énergie solaire reste encore limitée, atteignant 462 MW à la fin de l’année 2024, sur un total de 601 MW pour l’ensemble des énergies renouvelables. Toutefois, les chantiers en cours et les volumes d’importation records laissent entrevoir une accélération significative dans les mois à venir, plaçant le solaire au cœur de l’avenir énergétique de l’Algérie.
Pour un modèle énergétique durable
À l’heure où le monde cherche des alternatives viables aux énergies fossiles, l’Algérie s’engage résolument sur la voie d’un avenir plus vert. Lors d’une intervention télévisée, Boukhalfa Yaici, directeur général du Green Energy Cluster Algeria, a dressé un plaidoyer lucide et ambitieux en faveur d’un modèle énergétique durable, articulé autour des énergies renouvelables, de l’hydrogène vert et du développement industriel local. « Il est temps de passer à une autre phase, une phase de déploiement accéléré et structuré », a-t-il affirmé, insistant sur l’urgence d’agir face aux défis climatiques et géopolitiques.
Au-delà de la production d’énergie, Yaici défend une approche industrielle intégrée, qui permettrait de bâtir une économie nationale fondée sur les technologies propres. Il appelle ainsi à structurer une filière locale autour des panneaux solaires, des composants électriques et des électrolyseurs nécessaires à la production d’hydrogène. « Nous ne pourrons pas atteindre les 15 000 MW ni produire de l’hydrogène vert sans une stratégie industrielle intégrée. Il faut produire localement et créer de la valeur ajoutée », a-t-il déclaré. Aujourd’hui, environ 30 % des projets solaires en cours sont portés par des entreprises algériennes, une base sur laquelle le gouvernement souhaite s’appuyer pour faire émerger de véritables champions nationaux. Mais cette transition ne se fera pas sans répondre aux exigences internationales. L’Union européenne prévoit, dès janvier 2026, l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), qui imposera des taxes sur des produits à forte empreinte carbone comme l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais, et potentiellement l’hydrogène. En 2022, les exportations algériennes dans ces secteurs représentaient 4,4 milliards de dollars. La compétitivité du pays dépendra donc de sa capacité à décarboner ses processus industriels. « Si l’on ne veut pas payer les taxes en Europe, il faudra produire ici avec de l’énergie propre. C’est une nécessité économique, pas seulement écologique », a-t-il averti. Par ailleurs, Yaici appelle à moderniser le cadre réglementaire et à relancer des instruments stratégiques comme le décret exécutif 17-98, qui encadre les projets dans le secteur des énergies renouvelables. Au-delà des intentions, son message est sans équivoque : l’Algérie doit accélérer, structurer et industrialiser sa transition énergétique. Ce n’est pas seulement une ambition environnementale, mais un véritable changement de paradigme économique susceptible de positionner le pays comme un acteur majeur de l’énergie verte dans la région et au sein du nouvel ordre énergétique mondial.
Par Mourad A.