Exportations hors hydrocarbures: Le ciment algérien, nouveau levier stratégique
L’Algérie, qui a longtemps importé une partie de ses besoins en matériaux de construction, s’impose aujourd’hui comme un acteur exportateur majeur dans le secteur du ciment. Ce basculement illustre la volonté des pouvoirs publics de diversifier l’économie et de dynamiser les exportations hors hydrocarbures, alors que la demande mondiale pour ce produit manufacturé est en plein essor.
Invité sur les ondes de la « Chaîne III » de la radio nationale, l’économiste Abderrahmane Seddiki, enseignant-chercheur à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou a rappelé que le ciment occupe une place stratégique dans cette dynamique : « Nous sommes passés d’un pays importateur à un pays exportateur de ciment. Ce n’est pas seulement un basculement conjoncturel, mais le fruit d’investissements industriels qui ont permis de créer un excédent et d’ouvrir la voie aux marchés extérieurs », a-t-il souligné.

L’évolution est spectaculaire. Selon les chiffres du ministère du Commerce, les exportations de ciment ont atteint 747 millions de dollars en 2023, contre seulement 60 millions USD en 2019. Dans le seul segment du clinker, l’Algérie s’est hissée au deuxième rang mondial derrière le Vietnam, avec une valeur estimée à 438,48 millions USD en 2023. Pour 2024, les industriels ont annoncés des records dépassant les 10 millions de tonnes exportées, toutes filières confondues. Le Groupe GICA aurait contribué à plus de la moitié de ces volumes, tandis que Holcim El Djazair a expédié 3,1 millions de tonnes. Les projections pour 2025 sont tout aussi ambitieuses, avec Holcim qui prévoit 4 millions de tonnes et la cimenterie de Beni Saf qui vise les 800 000 tonnes de ciment gris et 100 000 tonnes de clinker.
Pour soutenir cet élan, le gouvernement a pris plusieurs mesures, dont l’augmentation des capacités de stockage dans les ports et la facilitation des procédures douanières. La décision la plus marquante est le lancement d’un projet de port dédié à l’exportation du ciment et du clinker. « L’exportation ne peut être compétitive sans des infrastructures adaptées. Une telle réalisation permettra de réduire les coûts logistiques, d’améliorer la productivité et de rendre les exportations algériennes plus attractives sur le marché international », a estimé M. Seddiki.
Les débouchés se multiplient, notamment en Afrique dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf), avec des contrats signés en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée et en Côte d’Ivoire. Les exportations vers l’Europe restent également soutenues. Toutefois, pour y demeurer compétitives, les cimenteries algériennes devront s’adapter à la future taxe carbone en accélérant le passage au « ciment vert ». Pour M. Seddiki, l’exemple du ciment montre que l’Algérie peut bâtir des filières exportatrices solides : « Il ne suffit pas d’exporter une fois. L’enjeu, c’est la pérennité et la capacité de nos entreprises à fidéliser des marchés tout en s’adaptant aux nouvelles exigences internationales », a-t-il insisté. En quelques années, l’Algérie est donc passée d’importateur à deuxième exportateur mondial de clinker.
Cette réussite peut servir de modèle pour d’autres produits hors hydrocarbures et confirme le ciment comme un levier stratégique de l’économie nationale.
Par Mourad A.