Agriculture saharienne: Plaidoyer pour un modèle durable
L’agriculture saharienne, avec des solutions adaptées et une prise en compte des réalités locales, pourrait non seulement contribuer à la sécurité alimentaire du pays, mais aussi offrir une alternative durable face aux crises écologiques qui menacent les ressources naturelles. L’association « Torba », fidèle à son engagement pour une agriculture durable, plaide pour un modèle diversifié, inspiré des pratiques ancestrales des oasis. Comme l’ont souligné l’ensemble des intervenants lors de la conférence organisée hier par l’association, cette stratégie vise à renforcer l’autosuffisance alimentaire et la sécurité des agriculteurs locaux tout en respectant les cycles naturels.
Cependant, l’agriculture saharienne fait face à plusieurs défis majeurs. Les coûts de production élevés, liés aux investissements nécessaires pour l’ouverture de pistes, la mise en place de l’électricité et des forages, représentent un obstacle significatif. De plus, le manque de main-d’œuvre s’accentue au fil du temps, compliquant davantage la situation. Les sols sahariens, souvent inertes, nécessitent également une quantité importante d’intrants chimiques, comme les pesticides, pour être productifs. La salinisation des sols, causée par l’utilisation d’eau d’irrigation souvent salée, dégrade les terres et rend certaines parcelles impropres à l’agriculture. Enfin, le rabattement des nappes phréatiques, qui a baissé en moyenne de 50 mètres au cours des dernières décennies, pose un problème crucial pour l’approvisionnement en eau. Dans ce contexte, l’association « Torba » se positionne comme un acteur incontournable dans cette transition, promouvant un modèle agricole en harmonie avec l’environnement et le mode de vie saharien. Ce modèle, qui combine polyculture et élevage, se veut plus résilient face aux défis environnementaux du Sahara, en opposition à la monoculture intensive. L’association prône la rotation des cultures, une pratique qui améliore la qualité des sols et diminue les risques de maladies, contrairement à la monoculture qui entraîne une utilisation excessive d’intrants chimiques.
En partenariat avec le groupe de réflexion « FilahaInnov », Torba a organisé une conférence-débat autour de l’agriculture saharienne, sous le thème « Agriculture saharienne, performance et durabilité». Cet événement s’inscrit dans une dynamique de réflexion amorcée il y a plusieurs années, témoignant de l’engagement constant des acteurs impliqués à apporter des solutions durables pour cette région particulière. Le Sahara, avec ses vastes étendues et ses conditions climatiques extrêmes, représente à la fois un défi immense et une opportunité pour repenser les modèles agricoles en Algérie. Depuis sa création il y a dix ans, Torba s’efforce de promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement, en mettant en avant un modèle agricole plus en phase avec la nature, notamment par la sensibilisation aux pratiques de permaculture. Cette conférence a également abordé des enjeux spécifiques à l’agriculture saharienne. Cet espace désertique, longtemps considéré comme hostile à toute forme de production agricole, est désormais perçu comme un territoire riche en potentiel, notamment dans des wilayas comme Biskra et El Oued, où des exploitations agricoles florissantes ont vu le jour. Toutefois, malgré ces succès notables, les défis persistent. Les discussions menées lors de cette conférence par le Pr Brahim Mouhouche, agronome, M. Omar Bessaoud, expert en agronomie, et M. Brahim Zitouni, vice-président du groupe de réflexion FilahaInnov, ont mis en lumière des problématiques cruciales. Bien que les terres sahariennes aient permis le développement de cultures comme les dattes ou les pommes de terre, cette exploitation intense n’est pas sans conséquences sur l’environnement. Les experts ont souligné que l’irrigation excessive, souvent réalisée avec une eau de mauvaise qualité, menaçait la durabilité à long terme de ces systèmes agricoles.
Cependant, l’avenir de l’agriculture saharienne ne se limite pas à des solutions agricoles. Torba et ses partenaires réfléchissent à un projet plus global qui intègre également le développement urbain. Lors de cette conférence, il a été question de repenser les villes sahariennes en s’appuyant sur l’architecture traditionnelle des oasis, tout en intégrant des infrastructures modernes. L’objectif est de créer des espaces de vie durables, où la population pourrait s’installer dans des conditions confortables tout en pratiquant une agriculture respectueuse de l’environnement. Les architectes et experts présents ont proposé des plans ambitieux pour concilier urbanisation et préservation des ressources naturelles, un équilibre indispensable pour garantir un avenir viable dans cette région. Un autre aspect majeur abordé durant cet événement est l’éducation. Consciente que le changement passe aussi par la jeunesse, l’association Torba mène des actions pédagogiques destinées à sensibiliser les nouvelles générations. En organisant des stages de permaculture, des campagnes de reboisement, et des sorties éducatives, Torba cherche à inculquer dès le plus jeune âge les principes de l’agriculture durable et de la protection de l’environnement. L’idée est d’instaurer une culture de responsabilité environnementale, qui pourrait être transmise de génération en génération, assurant ainsi un avenir plus vert et plus sain pour la région.
Enfin, il est important de noter que l’événement a permis de dresser un bilan de quarante années d’attribution de terres dans le Sahara, suite à la loi de 1983. Si certaines zones, comme Biskra et El Oued, ont connu un véritable essor agricole, les défis liés aux conditions climatiques extrêmes et à la gestion des ressources naturelles demeurent. Le débat sur le modèle agricole à adopter reste ouvert, mais les participants semblent s’accorder sur la nécessité d’opter pour des solutions locales, inspirées par le passé, tout en étant résolument tournées vers l’avenir.
Par Mourad A.