Autosuffisance alimentaire et réduction des importations: Une gestion optimale des ressources hydriques recommandée
Face aux défis croissants de la sécurité alimentaire et à une dépendance persistante aux importations, l’Algérie s’engage dans une stratégie ambitieuse visant à atteindre l’autosuffisance dans des produits agricoles essentiels tels que les céréales, les viandes et le lait. Cependant, cette ambition se heurte à une problématique centrale : la gestion des ressources hydriques. Comme l’a souligné Brahim Mouhouche, professeur en sécurité alimentaire et hydrique à l’École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA), cette question est au cœur des enjeux agricoles du pays.
L’agriculture algérienne repose largement sur des précipitations irrégulières, une caractéristique préoccupante qui complique la planification agricole. Lors de son intervention sur la « Chaîne III » de la radio nationale, Brahim Mouhouche a précisé : « Si les régions du centre et de l’est bénéficient d’une pluviométrie relativement normale, sa répartition demeure inégale, rendant difficile une planification efficace. À l’ouest, le déficit hydrique constitue un obstacle majeur, tandis que les zones du sud, nécessitant une irrigation intégrale, posent des défis colossaux en termes de mobilisation des ressources en eau. »
Face à ces contraintes, le professeur a insisté sur la nécessité d’adopter des solutions innovantes pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Parmi les pistes évoquées, la collecte des eaux pluviales, l’irrigation localisée permettant une économie d’eau allant jusqu’à 50 % et l’utilisation des eaux usées traitées figurent comme des opportunités majeures. La relance de 60 % des stations d’épuration existantes, couplée à la construction de retenues collinaires, est également une priorité pour étendre les surfaces irriguées et répondre aux besoins des cultures stratégiques.L’efficacité de la gestion de l’eau repose également sur sa valorisation. Brahim Mouhouche a souligné : « Les cultures stratégiques, comme le blé, l’orge ou la pomme de terre, doivent être priorisées pour garantir la sécurité alimentaire nationale. » En parallèle, il a recommandé d’orienter l’eau vers des cultures à forte valeur ajoutée, afin de renforcer la rentabilité du secteur agricole tout en préservant les priorités stratégiques du pays.Par ailleurs, l’Algérie est reconnue pour ses efforts significatifs en soutien au secteur agricole, notamment à travers la subvention d’infrastructures, de matériel et d’intrants. Cependant, Brahim Mouhouche a noté que ces aides nécessitent une meilleure exploitation : « Instaurer des contrats de performance pourrait encourager les agriculteurs à maximiser leurs rendements, tout en responsabilisant les bénéficiaires des aides publiques. »
La modernisation du secteur agricole repose également sur l’intégration de technologies innovantes et l’adaptation des cultures aux réalités climatiques. Selon le professeur, le développement de semences résistantes et économes en eau, soutenu par la recherche scientifique et les initiatives des startups, constitue une piste prometteuse pour rendre l’agriculture plus durable et plus résiliente. Cependant, il a déploré que 98 % des stations d’épuration en Algérie soient dépourvues de systèmes de distribution pour l’eau recyclée, soulignant le potentiel immense encore inexploité. Ces eaux usées traitées pourraient irriguer les cultures, refroidir des moteurs industriels, renouveler les nappes phréatiques ou encore être utilisées pour l’entretien des espaces verts et la lutte contre les incendies. Leur valorisation exige des investissements en infrastructures, mais promet des bénéfices significatifs pour le secteur agricole et pour l’environnement. Enfin, la transition vers une agriculture durable passe par une prise en compte des changements climatiques dans les politiques agricoles. Brahim Mouhouche a affirmé : « Une gestion efficiente de l’eau, alliée à des pratiques modernes, doit devenir le socle d’une stratégie nationale. En valorisant chaque ressource, en intégrant les nouvelles technologies et en sensibilisant les agriculteurs à des pratiques optimisées, l’Algérie pourra non seulement réduire sa dépendance aux importations, mais aussi renforcer sa souveraineté alimentaire». En conclusion, l’autosuffisance alimentaire et la réduction des importations passent inévitablement par une gestion rigoureuse et innovante de l’eau. Avec des efforts conjoints en matière de recherche, d’infrastructures et de pratiques agricoles, l’Algérie se positionne sur la voie d’une agriculture résiliente et durable, en adéquation avec ses ambitions stratégiques.
Par Mourad A.