Chronique Eco– L’Afrique à Alger : pour quelles ambitions ?
La rentrée sociale 2025 sera caractérisée par deux évènements majeurs : l’organisation en Algérie de la quatrième édition de la Foire interafricaine du Commerce (IATF-2025), du 04 au l0 septembre 2025 ; et dans le même sillage, l’organisation de la 5eme Conférence sur l’investissement du Réseau des Collectivités Locales et des Gouvernements Sous Souverains Africains/ AFSNET, prévue pour le 06 septembre 2025. Ce sont deux instruments qui visent à promouvoir les échanges commerciaux et les investissements en Afrique.
C’est en 2021, que la Banque Africaine d’lmport-Export (Afreximbank) a établi le « Réseau Africain des Gouvernements Sous-souverains (AfSNET) en tant que mécanisme de promotion du commerce intra-africain, de l’investissement et de l’industrialisation au niveau sous-souverain ». Le Réseau AfSNET vise à promouvoir le commerce et l’investissement intra-africain, les échanges culturels et éducatifs, ainsi qu’une implication active et efficace des collectivités locales dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). « L’objectif principal de la 5″‘ » conférence d’investissement AfSNET est de promouvoir I ‘autonomisation des gouvernements sous-souverains africains et de renforcer leur compétitivité mondiale grâce à une meilleure gouvernance, à la coopération régionale et à un accès accru aux opportunités de commerce et d’investissement. » (extrait de la Note conceptuelle de la conférence)
La foire interafricaine est le lieu de rencontre et d’échange à grande échelle. Les exposants viennent principalement d’Afrique mais aussi d’autres continents. On annonce déjà plus de 2000 exposants et près de 140 pays participants.
L’intégration économique africaine est un défi majeur pour tous les pays africains. Les échanges intra-africains laissent encore de la place pour un renforcement des échanges commerciaux. Cette faiblesse des échanges intra-africains est généralement expliquée par trois facteurs : un héritage colonial mettant la colonie en dépendance totale avec la métropole, une spécialisation sur les matières premières et une faible industrialisation et enfin, la faiblesse des infrastructures logistiques. La situation a beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies. Plusieurs Corridors ont été ouverts et des infrastructures routières et portuaires ont été réalisés, à l’instar de la Transsaharienne qui prépare sa mutation en Corridor économiques autour des 6 pays desservis.
Les échanges intra africains sont moins déséquilibrés que les échanges du continent avec le reste du monde. Ils sont en effet plus diversifiés que les échanges avec le reste du monde. Ils contiennent moins de produits minéraux et plus de produits manufacturés et à plus forte valeur ajoutée. Selon la commission économique pour l’Afrique (CEA), la ZLECAF offrira « des possibilités inestimables d’industrialisation par l’intermédiaire du commerce ». Les échanges intra-africains des produits industriels augmenteraient de 25 à 30% à l’horizon 2040 contre 20 à 30% pour les produits agricoles et alimentaires et 11% dans les secteurs de l’énergie et des produits miniers. Par ailleurs, le niveau d’intégration est très différent d’une zone à une autre. Les Zones Afrique de l’Est et Afrique Australe sont les mieux organisées et les plus intégrées alors que la Zone Afrique du Nord demeure la moins intégrée.
L’intégration commerciale de l’Algérie au continent reste faible bien qu’en nette amélioration au cours des dernières années. En 2023, les exportations et les importations réalisées avec le continent africain n’atteignent respectivement que 4.5% et 3,1% des flux totaux. La Tunisie a absorbé, en 2023, 70.1% des exportations de l’Algérie suivie, très loin derrière, par l’Afrique du sud avec 7.7% et la côte d’ivoire avec 4.7%. En % des exportations vers l’Afrique subsaharienne (ASS), 80% des exportations se concentrent vers quelques pays dont : Afrique du Sud avec 28.8%, Côte d’ivoire 17.5%, Mauritanie avec 13.9%, Ghana avec 11.6% et Nigéria avec 5%. (En valeur absolue, ces échanges restent dérisoires). Les importations à partir de l’ASS sont dominées par la Mauritanie avec 69%. En % du commerce total avec le continent, les échanges de l’Algérie avec l’ASS sont passés de 3.5 à 27% pour les exportations et 16.7 à 26.9% pour les importations. Ces chiffres sont à relativiser en tenant compte de la baisse des flux avec le Maroc. En 2023, les exportations vers ce pays se sont élevées à 68,8 millions US$ contre 741,6 en 2018. En % de ses exportations totales, les exportations vers l’ASS sont passées de 0.35% en 1998 à 1.2% en 2023.
L’essentiel du commerce de l’Algérie avec le continent (très faible) est réalisé avec les pays d’Afrique du Nord. La part de l’Afrique subsaharienne est négligeable.
La Zlecaf offre des opportunités de ré-industrialisation et de diversification pour tous ses membres. Les travaux de prospective concernant la ZLECAF laissent présager d’importants besoins en marchandises, en capitaux et services en tout genre pour accompagner ce dynamisme. A cet égard, l’Algérie pourrait redéployer sa capacité industrielle, inexploitée en partie mais réelle. La taille globale du marché qui sera construit engendrera des économies d’échelle et améliorera l’attractivité de tout le continent donnant ainsi la possibilité aux économies du continent de s’articuler dans les chaines de valeur régionales et mondiales.
Selon la Banque Mondiale (Rapport “Making the Most of the African Continental Free Trade Area” ACCRA et WASHINGTON, le 30 juin 2022) : « La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait apporter, à l’horizon 2035, des avantages économiques et sociaux importants pour la région, Le rapport examine deux scénarios afin d’évaluer les avantages pour un marché de plus de 1,3 milliard de personnes avec un PIB combiné de 3,4 trillions de dollars. • L’accord commercial pourrait accroître les revenus régionaux de 9 %, soit 571 milliards de dollars. • Il permettrait de créer près de 18 millions d’emplois supplémentaires, dont beaucoup seraient mieux rémunérés et de meilleure qualité, les femmes bénéficiant des avantages les plus importants. D’ici 2035, la croissance des emplois et des revenus qui en résultera pourrait contribuer à sortir jusqu’à 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté. • L’augmentation des IDE pourrait faire croître les exportations africaines jusqu’à 32 % d’ici 2035, avec une augmentation de 109 % des exportations intra-africaines, notamment dans les secteurs des produits manufacturés.»
ANOUAR EL ANDALOUSSI