15/02/2025
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Chronique Eco: Les guerres commerciales n’ont  pas de vainqueurs

Les pratiques protectionnistes conduisent nécessairement à une inflation en boule de neige, elles conduisent aussi à des  guerres commerciales qui n’auront pas de vainqueurs. Il est évident que les consommateurs sont les premiers à subir les effets du protectionnisme ; au contraire, on peut estimer que les travailleurs peuvent en être les bénéficiaires dans les pays dont la balance commerciale est fortement déséquilibrée en faveur des importations.

Les conséquences d’une protection ne sont pas toujours directes mais peuvent être la conséquence secondaire d’un protectionnisme opéré ailleurs. L’objectif central de l’OMC a été, et il est toujours, le libre échange et la suppression des barrières commerciales entre les pays. De cette manière, la compétition devient mondiale et l’efficacité économique sera planétaire au profit des entreprises et au final  au profit des consommateurs. L’OMC  était l’instrument principal de la mondialisation « heureuse ». L’adhésion de la quasi-totalité des pays à l’OMC était perçue comme la preuve du succès de cette mondialisation.

Du point de vue de la théorie économique, le libre échange et la suppression des barrières conduisent à l’efficacité de l’économie mondiale, mais dans la pratique les économies ne sont pas dans le même niveau de développement ou du moins certains ne sont pas encore préparées, pour des raisons historiques ou conjoncturelles, à rentrer dans la compétition internationale en raison de leur retard technologique, de la taille de leur marché intérieur….Dans cette compétition, beaucoup d’économies ont vu leur situation se dégradée (par exemple fermeture d’usines, chômage…). La valorisation des matières premières par les pays en développement a été l’une des limites de cette mondialisation des échanges. La Chine est le pays qui a exploité à fond cette liberté commerciale en saisissant toutes les opportunités pour conquérir tous les marchés du monde grâce à la compétitivité de son économie, ses positionnements sur les segments délaissés par les grandes économies occidentales comme l’industrie manufacturière, l’automobile, ……Aujourd’hui, la première économie du monde, le chantre du libre échange, se trouve confrontée à des déséquilibres dans son commerce extérieur aussi bien avec des économies « amies » qu’avec des pays lointains comme la Chine et d’autres pays asiatiques. Trump décide alors, de suspendre les règles de l’OMC et menace beaucoup de pays  de mesures protectionnistes très fortes, allant de 10% à 75% de taxes et droits de douane à l’entrée. Les pays, comme le Canada, le Mexique et même l’Europe sont les plus touchés par ces mesures. Le pragmatisme de Trump dans le domaine des relations commerciales, comme ailleurs, est troublant : chaque fois qu’un déséquilibre  dans la balance commerciale avec un pays est défavorable aux USA, il introduit les mesures de protection ou imposer des produits américains à ce pays, c’est le cas notamment avec l’UE où il veut obliger les européens à acheter davantage de gaz de schiste pour rééquilibrer sa balance commerciale avec ces pays. Cette perspective aura des conséquences sur les exportations algériennes de gaz vers l’Europe. Malgré l’avantage économique que représente le gaz algérien (proximité, transports par gazoducs donc sans procédés de liquéfaction…), les européens risquent de se voir obligés de préférer le gaz américain. L’avantage du prix du gaz algérien sur celui des USA est très grand pour ne pas affecter significativement les contrats de Sonatrach.

L’UE est particulièrement visée par Trump. La croissance de l’économie européenne est fortement dépendante de l’économie américaine (+de 500 Mds de $ d’exportation vers les USA). Les trois premières économies européennes, L’Allemagne, la France et l’Italie sont à l’arrêt ou en recul. Dans ce contexte européen, la fin de l’année a été encore plus difficile que prévu pour l’économie française, plongée dans une crise politique et budgétaire. Pendant ce temps, la Chine fait plus de 5% de croissance et se voit taxer à 10% de droits additionnels.  D’ailleurs, c’est le premier pays qui réagit à la décision américaine ; elle dépose une plainte auprès de l’OMC et procède à des mesures de ripostes dont la réciprocité en matière de niveau de protection tarifaire.

À la question de savoir si l’UE s’est préparée au retour de Trump, la réponse est dans un livre qui vient de sortir (S. Boussois, « Donald Trump : retour vers le Futur, 2025). Pour l’auteur, la réponse est clairement non. Il précise :

« ….Évidemment, on savait les conséquences à venir d’une réélection de Donald Trump, terribles, voire désastreuses pour le Vieux Continent qui patauge depuis des années entre crise existentielle, montée des extrêmes, défiance à l’égard des institutions, crise économique, chômage, difficultés de réindustrialisation, crise politique, effondrement de l’axe franco-allemand, difficultés sérieuses en Allemagne, crise de régime en France ! »

Le Vieux Continent sera le grand perdant du retour de Donald Trump et sur de nombreux plans. Coincée entre les États-Unis et la Russie, avec un conflit à proximité de ses frontières depuis bientôt trois ans, « cela n’a pas enclenché pour autant la constitution tant attendue d’une défense commune, afin de se passer de sa dépendance au biberon du bouclier américain. L’Europe n’a jamais réussi à établir une défense autonome et pleinement intégrée pour plusieurs raisons complexes et interconnectées, qui relèvent de l’histoire, de la géopolitique, de la diversité des intérêts nationaux, et des relations transatlantiques ». C’est cette situation qui met aujourd’hui l’Europe en situation de faiblesse devant l’Amérique. 

Il y a trente ans, le ministre belge des Affaires étrangères, Marc Eyskens, caractérisait la situation comme suit : « L’Europe est un géant économique, un nain politique et un ver de terre militaire.» ; Aujourd’hui, elle n’est plus un géant économique, mais toujours un nain politique et certainement une larve militaire. Angela Merkel alerte sur le malaise européen (mai 2017) : « Nous, Européens, devons vraiment prendre notre destin en main. Nous devons nous battre pour notre avenir, pour notre destinée, seuls, en tant qu’Européens. » En attendant le réveil européen, la guerre commerciale est déclarée et seuls les plus solides vont résister, car personne s’en sera gagnant.  C’est pourquoi, il faut toujours anticiper sur ces questions pour ne pas être pris au dépourvu. La prochaine bataille sera celle des matières premières rares dont l’Algérie est directement concernée et même au premier plan.

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