Chronique Eco: Trump, un président bien élu, mais est- il venu au bon moment ?
Trump vient d’être élu confortablement président des Etats Unis. Il hérite d’une économie très forte, de plus en plus performante, avec une inflation maitrisée (autour de 2%), un quasi plein-emploi, une économie innovante grâce à la puissance de sa recherche et de ses entreprises. En même temps Trump hérite d’une géopolitique en pleine recomposition et des risques forts de confrontations directes dans plusieurs régions du monde. Les impacts de cette élection sur l’économie sont sérieux.
Les USA gardent une maitrise parfaite des deux domaines sur lesquels ils ont toujours eu une hégémonie et qui lu permettent d’exercer une influence sur l’économie mondiale. Il s’agit du contrôle de l’énergie (toutes sources confondues) et la manipulation du dollar à travers les taux de change et les taux d’intérêt. Pour le premier, les USA deviennent le premier producteur mondial et exerce une influence très forte sur la régulation du marché de l’énergie fossile. Sur le second, le dollar continue de dominer les transactions commerciales au niveau mondial (autour de 60%) même si les autres monnaies, particulièrement l’Euro, grignotent des parts de plus en plus significatives. Comme monnaie de réserve, le dollar continue d’être hégémonique et attire l’épargne mondiale (autour de 70%). Cette position très confortable permet d’exercer effectivement une influence sur les transactions et sur la manipulation du dollar dans le sens des intérêts de l’économie américaine. Avec le statut du dollar, les USA disposent d’une manne financière considérable provenant de l’épargne de tous les pays. Tout compte fait, Trump disposera, en janvier 2025, d’une confortable situation pour mettre en œuvre ses engagements de la compagne électorale. Il trouvera donc un terrain bien préparé pour mener ses « croisades » et faire passer ses annonces sur le terrain. Il est présenté comme un chef d’entreprise doué et un homme d’affaire redoutable, aimant la prise de risques, un homme d’action, faisant fi des règles protocolaires, des usages conventionnels dans les relations et des précautions de bienséance. Sa philosophie ? Celle d’un ultralibéral en économie et d’un pragmatique dans les relations internationales ; en somme, quelqu’un de « fonceur » et qui accepte volontairement les compromis s’il trouve un intérêt.
Ses détracteurs lui reconnaissent tout de même sa franchise (pas de coup bas et surtout pas d’intermédiaires dans ses relations), son amour pour son pays, son respect des engagements donnés et bien entendu sa détermination d’aller jusqu’au bout de ses actions.
Sur l’énergie les USA maintiennent leur leadership à la fois sur le pétrole et le gaz. En 2024, la production de pétrole brut du pays sera légèrement supérieure à 13 millions de barils par jour (Mb/j), ce qui fait des États-Unis le premier producteur mondial devant la Russie (9,1Mb/j) et l’Arabie Saoudite (9 Mb/j). Pour le gaz naturel, les États-Unis sont aussi le premier producteur mondial devant la Russie qui a été pendant longtemps le géant mondial du gaz. En 2023, la production américaine était de 1 035 milliards de mètres cubes. Pour le charbon, les États-Unis sont le quatrième producteur. Les États-Unis sont donc indiscutablement un géant en matière d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel), qui sont les plus consommées actuellement avec une part d’environ 80 % de la consommation mondiale d’énergie. Mais leur puissance énergétique ne se limite pas à ces énergies. Les USA sont également très bien placés pour les énergies non carbonées. (Ces données sont tirées d’un article de F. Perrin paru dans le Bulletin « Policy Center for the New South », oct 2024.)
F. Perrin tire cette conclusion : f « Ce pays est donc clairement une superpuissance énergétique et ces atouts énergétiques viennent renforcer la superpuissance américaine globale…
Lors de la campagne présidentielle de 2016, le programme de Donald Trump sur l’énergie contenait l’objectif suivant : d’abord l’indépendance énergétique, ensuite la domination énergétique. Dans sa plateforme pour l’élection de 2024, on retrouve ces deux mêmes idées clés. Grâce à l’abondance des ressources énergétiques des États-Unis, au dynamisme de leurs entreprises dans le secteur énergétique et à leur puissance technologique et financière ainsi qu’au soutien de l’État fédéral, le futur 47ème président américain dispose de beaucoup d’atouts pour mettre en œuvre cette double ambition. »
Ces atouts donne une suprématie totale que le nouveau Président peut utiliser pour aller très loin, pas seulement dans l’énergie. Il peut remettre en cause tous les engagements de son prédécesseur en matière de commerce international, de changement climatique, de la guerre en Ukraine, de la crise au Moyen Orient.
Le seul obstacle qu’il va rencontrer au plan économique peut être la Chine. D’ailleurs il a annoncé une protection très serrée face aux marchandises venant de Chine pouvant aller jusqu’à 60% de droits de douane ; décision très risquée, car l’économie américaine a abandonné depuis très longtemps les industries manufacturières et aucun pays ne peut être à la hauteur de la Chine pour approvisionner les entreprises américaines en produits manufacturés, sous-produits et certaines matières premières critiques pour l’industrie américaine. Avec la Chine, la guerre économique est déjà déclarée ; la Chine aussi a des atouts décisifs dans l’éventualité de cette guerre. Cette dernière pourrait toucher d’autres régions du monde lorsqu’il s’agira du contrôle des terres rares ou d’une forte hausse du dollar. Les pays émergents seraient ces terrains de bataille. L’alliance Chine-Russie sera décisive pour la Chine en raison de sa dépendance en matière d’énergie. La triangulation de la lutte économique (USA-Chine-Russie) neutralisera l’Europe qui sera le plus grand perdant dans ce contexte. L’Ukraine sera, elle aussi, sacrifiée sur l’autel des intérêts américano-russes. Les pays périphériques, comme la l’Inde, la Turquie, l’Iran, le Brésil, le Mexique, l’Arabie Saoudite, … joueront l’arbitre dans ces confrontations. On remarquera que les BRICS+ seront bien impliqués dans la nouvelle dynamique de recomposition géopolitique. Le nouveau monde sera dominé par les USA et les BRICS+ alors que le rôle de l’UE sera minoré, ce qui représente un risque pour son unité qui pourrait conduire à des Exits en cascade.
L’Europe commence à chercher des parades aux mesures protectionnistes annoncées par Trump ; le coût est énorme pour l’Europe qui exporte pour plus de 550 Mds de $ vers les USA et importe pour près de 300 Mds $ des USA. La hausse du dollar, par l’effet direct de la hausse des droits de douane américains, est l’autre instrument de domination du commerce mondial, celle –ci va impacter surtout les pays émergents qui exportent vers les USA ; une dépréciation de leurs monnaies entrainerait une inflation dans ces pays.
ANOUAR EL ANDALOUSSI