Foire Internationale d’Alger: Un levier stratégique de la transformation économique
La 56ᵉ édition de la Foire Internationale d’Alger (FIA) s’ouvre dans une conjoncture économique marquée par des ambitions de réforme qui rencontrent les exigences d’une économie en pleine mutation. Placée sous le haut patronage du président de la République et organisée sous le thème « Une coopération solidaire et durable », la FIA 2025 dépasse cette année le cadre d’un simple rendez-vous commercial pour s’imposer comme un levier stratégique dans le processus de transformation économique engagé par l’Algérie depuis 2020.
Selon Souheil Guessoum, président de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), « la FIA intervient dans une conjoncture très particulière, avec des indicateurs en nette amélioration. Nous avons un PIB en croissance d’environ 4 %, et une vision claire vers un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars à l’horizon 2028 ». L’événement, qui accueille cette année le Sultanat d’Oman comme invité d’honneur, reflète une évolution significative dans sa portée économique. Pour Abderrahmane Hadef, expert en développement économique, « la FIA est désormais un instrument stratégique pour illustrer la nouvelle vision économique de l’État. Le salon n’est plus une simple vitrine d’exposition : il devient une plateforme d’action pour inscrire l’Algérie dans les chaînes de valeur mondiales et valoriser le label “Made in Algeria” ». Dans cette perspective, l’édition 2025 s’inscrit dans une dynamique de réforme orientée vers le développement de secteurs stratégiques, avec pour objectif d’atteindre 15 % du PIB pour l’industrie, 20 % pour l’agriculture, et une part équivalente pour les services numériques, selon les estimations de la Haute Commission à la numérisation.
Au cœur de cette transformation se trouve le développement des exportations hors hydrocarbures, enjeu central du modèle économique algérien de demain. « La FIA est un outil de marketing international. Elle permet de séduire les opérateurs locaux, mais surtout d’attirer les investisseurs étrangers venus explorer les opportunités de production en Algérie », a affirmé M. Guessoum lors de son intervention sur la chaîne III de la radio nationale.Il a plaidé pour la mise en place d’une véritable « culture export structurée », fondée sur des procédures simplifiées, une logistique efficace, le respect des normes et la présence bancaire dans les pays cibles. Toutefois, il a également dénoncé plusieurs obstacles persistants : « La pénalisation en cas de non-rapatriement des devises, l’accès limité aux paiements internationaux et le manque de digitalisation freinent encore nos exportateurs».
Les deux experts s’accordent à souligner les avancées enregistrées récemment : adoption d’un nouveau code de l’investissement, création d’un ministère du Commerce extérieur, lancement de deux agences nationales dédiées à l’export et à l’import, ainsi que la mise en œuvre progressive du guichet unique. À fin 2024, 11 780 projets d’investissement avaient déjà été enregistrés, représentant une valeur globale de 4 700 milliards de dinars, soit 35 milliards de dollars. Et ce, « avant même l’entrée en service effective du guichet unique », a précisé Guessoum, qui considère cet outil comme « un saut qualitatif majeur vers une administration moderne et efficace ».
De son côté, Hadef a insisté sur la nécessité de lever les blocages logistiques et administratifs afin de garantir une croissance rapide et intégrée. Il a notamment alerté sur un retard logistique estimé à 40 %, très loin de la moyenne mondiale acceptable de 15 %, qui nuit à la fluidité des échanges et à l’attractivité du marché algérien.Autre talon d’Achille : la digitalisation. Bien que certains progrès aient été réalisés, notamment avec la révision de la loi sur la monnaie et le crédit qui introduit les Payment Service Providers, l’accès au paiement en ligne international, à la promotion digitale et à des plateformes numériques interconnectées demeure limité. « Le remède à la bureaucratie, c’est la digitalisation », a tranché Guessoum, appelant à une mise en œuvre rapide des dispositifs légaux.La présence d’Oman comme invité d’honneur reflète la nouvelle orientation partenariale de l’Algérie, fondée sur une logique de coopération « gagnant-gagnant », comme l’a souligné Hadef. Plusieurs accords ont été signés avec ce pays du Golfe, tandis que les relations économiques se renforcent également avec la Turquie, la Chine, le Qatar et certains États membres de l’Union européenne.
En croisant ambitions internes et opportunités internationales, la FIA 2025 s’impose ainsi comme le révélateur du changement de cap économique algérien. « L’Algérie dispose d’une base industrielle et d’atouts humains pour devenir un pôle régional. À condition que l’environnement d’affaires soit stabilisé, modernisé et accompagné d’une vision claire », a conclu Hadef sur les ondes de la « Chaîne I » de la radio nationale. Pour Guessoum, cette foire est l’occasion de prouver que la transformation est bel et bien en marche : « Nous avons les talents, les ressources et la volonté. Ce qu’il nous faut désormais, c’est accélérer la mise en œuvre et garantir la cohérence de l’action économique ».
Par Mourad A.