Le groupe Serport adopte une nouvelle stratégie: Vers des ports modernes et verts
À l’aube de la haute saison estivale, les ports algériens se préparent à accueillir un flux croissant de voyageurs, tout en poursuivant une ambitieuse transformation de leurs infrastructures et de leurs modes de fonctionnement. À la tête de ce vaste chantier, le Groupe Serport, dirigé par son PDG Abdelkarim Rezzal, déploie une feuille de route structurée, articulée autour de quatre axes majeurs : modernisation, décarbonation, digitalisation et souveraineté logistique.

L’an dernier, près de 760 000 passagers ont transité par les sept gares maritimes du pays. Ce chiffre devrait connaître une nette augmentation cette année, portée par le renforcement des lignes maritimes et l’arrivée de nouveaux opérateurs internationaux. « Nous avons aujourd’hui six à sept compagnies qui desservent nos ports à partir du sud de l’Europe, parmi lesquelles Aures, Nouris El Bahr, Balearia et le nouvel opérateur italien GNV », a précisé Abdelkarim Rezzal sur les ondes de la « Chaîne III » de la radio nationale. Cette dynamique impose à Serport de renforcer ses dispositifs de facilitation : simplification des formalités douanières et policières, augmentation des effectifs, amélioration des espaces d’accueil, et ouverture de zones de dégagement dans plusieurs ports (Alger, Skikda, Béjaïa) pour éviter la saturation.
Pour M. Rezzal, le secteur portuaire occupe une place centrale dans la stratégie nationale de relance économique. « 95 % des échanges commerciaux passent par les ports. Leur performance conditionne directement notre compétitivité à l’international »,a-t-il souligné. C’est dans cette logique que Serport déploie une transformation profonde de l’ensemble du réseau portuaire : instauration d’un régime de travail en continu (24h/24 depuis mars 2025), développement de corridors logistiques régionaux connectés aux réseaux routier et ferroviaire, et création de nouveaux ports implantés hors des zones urbaines. L’objectif est clair : rompre avec l’enclavement structurel des ports algériens, encore pénalisés par des tirants d’eau insuffisants, des infrastructures vieillissantes et une faible connexion aux grands axes logistiques.
Des projets d’envergure en cours

Plusieurs projets portuaires majeurs sont actuellement en cours à travers le pays, illustrant la volonté des autorités de moderniser et de renforcer les capacités logistiques nationales. À Alger, les quais sont en cours de réhabilitation, tandis qu’une nouvelle plateforme logistique est sur le point d’être réceptionnée. À DjenDjen, le terminal à conteneurs, déjà partiellement opérationnel connaîtra une montée en puissance d’ici 2025, avec une capacité portée à 4 millions d’EVP. Il pourra ainsi accueillir des navires de grande taille, jusqu’à 24 000 EVP, pour un volume total estimé à 10 millions de tonnes.Dans l’ouest, le terminal MOL5 à Arzew augmentera considérablement les capacités de traitement de la région. Parallèlement, le port de d’Oran fait l’objet d’une modernisation en profondeur, marquée par l’arrivée d’équipements portuaires de dernière génération. À Annaba, la construction d’un terminal phosphatier ambitionne de faire de ce port l’un des principaux hubs du phosphate en Méditerranée. Enfin, un projet stratégique encore à l’étude pourrait représenter une avancée décisive : le port-centre, véritable futur hub logistique national, envisagé entre Cherchell et Boumerdès, probablement à Cap Djinet ou Dellys. Ce port de nouvelle génération sera hyperconnecté, respectueux de l’environnement et doté des dernières technologies numériques.Le retard accumulé par les ports algériens en matière de performance opérationnelle est en passe d’être comblé. Alors que des ports européens comme Valence traitent une escale en six heures en rade et deux jours à quai, les performances algériennes s’améliorent sensiblement. « À Béjaïa, nous avons un terminal performant, en partenariat avec un opérateur singapourien, qui atteint 20 conteneurs à l’heure, contre 10 dans les ports classiques. Avec l’arrivée des nouveaux portiques à Oran en juillet, nous viserons 30 conteneurs/heure », a indiqué M. Rezzal.
En 2024, le volume total de marchandises ayant transité par les ports algériens s’élève à 130 millions de tonnes, réparties équitablement entre hydrocarbures (65 Mt) et autres produits. Toutefois, le volume exporté reste faible, à hauteur de 20 millions de tonnes seulement soit 6 % du total constitué principalement de clinker, ciment, urée, produits agricoles et pétrochimiques. Serport entend renverser cette tendance et faire de l’export un véritable levier de croissance.
La numérisation en marche
Sur le plan technologique, Serport a lancé dès 2021 le Port Community System (PCS), une plateforme numérique destinée à dématérialiser l’ensemble des procédures portuaires. Parallèlement, les Douanes ont développé leur propre système, ALCES. L’objectif est désormais d’assurer l’interopérabilité entre ces outils, afin de créer un guichet unique d’envergure internationale. « Nous connectons tous les acteurs : banques, SNTF, transporteurs routiers, avec l’appui du Haut-Commissariat à la Numérisation », a expliqué M. Rezzal.
En matière environnementale, bien que du retard soit reconnu, Serport affiche une ambition claire : faire de ses ports des espaces green and smart. Des discussions sont en cours avec Naftal, Sonatrach et l’Organisation Maritime Internationale (OMI) pour introduire des énergies propres telles que l’électricité à quai, le solaire ou encore le GNL. « L’Algérie, premier producteur de GNL en Afrique, devrait devenir leader du soutage maritime propre. C’est un objectif stratégique », a-t-il affirmé. Des partenariats public-privé sont déjà expérimentés dans plusieurs ports, notamment à Béjaïa, DjenDjen, Arzew ou Alger, via des joint-ventures sur les superstructures. Toutefois, le cadre juridique actuel réserve la gestion des infrastructures à l’État. Une réforme législative est donc attendue pour faciliter les investissements structurants et accélérer l’ouverture du secteur.
Par Mourad A.