Le patron de Google veut peser sur la régulation de l’IA en Europe
En visite à Bruxelles, comme il le fait une fois par an, Sundar Pichai est venu faire passer quelques messages sur l’intelligence artificielle (IA) auprès de la Commission européenne, alors que le sujet déchaîne les passions partout dans le monde.
Le patron de Google a vu tour à tour, mercredi, les commissaires Margrethe Vestager (Concurrence), Thierry Breton (Marché intérieur), Vera Jourova (Valeurs et transparence) et Margaritis Schinas (promotion du mode de vie européen).
A tous, il a tenu à témoigner son souci de « construire une IA de manière responsable » et de « s’assurer qu’en tant que société, nous faisons les choses correctement », comme il l’a écrit, la veille, dans une tribune publiée dans le « Financial Times », au ton extrêmement courtois.
Cela fait plus de dix ans que Google introduit de l’IA dans tous ses produits et le géant de la tech a récemment annoncé la transformation de son moteur de recherche pour y intégrer des réponses générées par une IA, en guise de riposte à Microsoft.
De leur côté, les institutions européennes ont un projet bien avancé de régulation de l’IA qui fait beaucoup de vagues, sur lequel Sundar Pichai entend manifestement peser. Un cadre légal pourrait être adopté avant la fin de l’année mais la loi n’entrerait pas en vigueur avant un ou deux ans.
Or, l’UE voudrait mettre en place une forme de « prérégulation » des entreprises avant, en leur demandant de prendre des engagements sur des questions fondamentales, a confié Margrethe Vestager à quelques journalistes, mardi. Un « pacte sur l’IA » « La question aujourd’hui, c’est de discuter de ce que nous attendons des entreprises, au minimum, avant que la législation n’entre en vigueur », a-telle expliqué.
« Le potentiel de croissance est très important. Il y a une forte incitation à mettre en place les garde-fous nécessaires, pour qu’il y ait une véritable concurrence sur la manière de déployer l’IA. » A l’issue de son rendez-vous avec le patron de Google, Thierry Breton a assuré à la presse que ce dernier était d’accord pour « travailler avec tous les développeurs d’IA pour développer un pacte sur l’IA, sur une base volontaire, avant la date limite légale » d’entrée en application de la future loi européenne. Le commissaire espère convaincre d’autres acteurs européens, ou pas, à se joindre au mouvement. Sundar Pichai s’est toujours dit convaincu de la nécessité de réguler l’IA dès le départ par rapport à d’autres technologies, compte tenu des enjeux que la technologie implique.
Mais s’il est venu à Bruxelles, c’est aussi pour faire part de certaines préoccupations. Il serait notamment soucieux de s’assurer qu’il n’y ait pas de chevauchement entre les différentes législations européennes, pour ne pas rajouter de charge réglementaire susceptible de ralentir l’innovation. Google avait mis dix-huit mois pour implémenter le RGPD – qui fête ses cinq ans cette semaine – et le géant voudrait sans doute ne pas subir le même sort lors de l’entrée en application des règles européennes sur l’IA… Les mesures spécifiques sur l’IA générative (comme ChatGPT), que l’UE envisage dans sa future législation, font aussi partie des points sur lesquels le dirigeant de Google appelle l’Europe à la nuance. Dialogue avec les Etats-Unis Au fond, plutôt qu’une réglementation pure et simple, Sundar Pichai voudrait aussi et surtout que l’UE se concentre sur la manière de valider les modèles, d’évaluer leur capacité ou encore de les tester en termes de sécurité. Enfin, la nécessité d’un dialogue fort entre le Vieux Continent et les Etats-Unis fait aussi partie des priorités du géant de la tech, pour une meilleure cohérence des futurs cadres légaux. La venue de Sundar Pichai à Bruxelles intervient justement quelques jours avant une importante réunion ministérielle du Conseil du commerce et de la technologie entre l’UE et les Etats-Unis, la quatrième du genre, prévue les 30 et 31 mai en Suède. L’IA compte parmi les sujets centraux de discussions, les deux continents étant prêts à renforcer leur coopération en la matière. Les dirigeants des pays du G7 avaient déjà appelé récemment à l’élaboration de normes techniques pour que l’IA reste « digne de confiance ».
SOURE/ Les Echos