Révision de l’accord d’association avec l’UE: L’Algérie plaide pour un partenariat équilibré
Dans le but d’initier une nouvelle ère de relations entre Alger et Bruxelles, fondée sur le respect mutuel et l’exploitation de bénéfices partagés, l’Algérie propose de réviser son accord d’association avec l’Union européenne (UE). Cette démarche, qui se veut pragmatique et coopérative, a été explicitée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors du Conseil des ministres qu’il a présidé dimanche dernier. Cette révision, issue de la décision prise l’an dernier, vise à adapter l’accord aux réalités économiques actuelles du pays.
Le chef de l’État a réaffirmé l’ouverture de l’Algérie à l’importation et à la coopération économique avec ses partenaires européens. Cependant, il a souligné que la révision de l’accord n’est pas motivée par un conflit avec l’UE, mais par la volonté de renforcer les relations bilatérales sur la base d’un partenariat « gagnant-gagnant ». « L’objectif est de bâtir une coopération solide, mutuellement bénéfique et respectueuse des intérêts stratégiques de l’Algérie », a-t-il déclaré. Abdelmadjid Tebboune a précisé que cette révision est nécessaire pour refléter les évolutions économiques du pays, notamment la diversification de ses exportations. « L’Algérie exporte aujourd’hui des produits dans de nombreux secteurs tels que l’agriculture, les minéraux, le ciment et les produits alimentaires. Cette diversification justifie l’adaptation des termes de l’accord avec l’UE », a-t-il expliqué. Il a insisté sur le fait que cette révision n’est pas le résultat d’un conflit, mais d’une volonté de renforcer la coopération économique entre l’Algérie et l’UE. « L’accord d’association, entré en vigueur en 2005, ne répondait plus aux réalités économiques actuelles, et il était donc nécessaire de le réviser dans un esprit de dialogue et de coopération », a-t-il rappelé.
Dans ce cadre, Tebboune a également abordé la question des importations. « Les restrictions à l’importation ne concernaient que les produits fabriqués localement en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché national », a-t-il précisé. L’objectif est de protéger l’industrie locale tout en maintenant un équilibre avec les importations nécessaires. Le président a également souligné l’importance de préserver une image positive de l’Algérie, notamment auprès des grandes marques internationales. Il a donné des instructions fermes au gouvernement pour contrer toute tentative de ternir cette image et encourager les investissements, particulièrement ceux portés par les jeunes dans la commercialisation des marques internationales. « Ces marques, présentes dans les malls, sont très prisées par la jeunesse algérienne et jouent un rôle clé dans la dynamisation de l’économie locale », a-t-il affirmé. Enfin, le président a évoqué la nécessité de rationaliser les importations afin d’éviter les pratiques spéculatives. Bien que l’importation de certains produits, comme les pièces détachées, soit libre, elle devra désormais être mieux régulée pour éviter toute spéculation excessive.
Déséquilibres économiques et absence de retombées concrètes
L’expert économique, Dr Houari Tigharsi, a souligné l’importance de la révision de l’accord d’association entre l’Algérie et l’UE. Intervenant sur la Chaîne I de la radio nationale, il a salué la décision prise par le président Tebboune, tout en rappelant que cet accord, signé il y a 20 ans, n’a pas apporté les bénéfices attendus pour l’Algérie, notamment en matière de transfert technologique et d’investissements. Selon lui, l’Algérie doit redéfinir ses relations avec l’UE pour corriger les déséquilibres économiques actuels et établir un partenariat véritablement équilibré. Tigharsi a expliqué que cette révision intervient dans un contexte économique et financier plus stable pour l’Algérie, ce qui lui permet de négocier des accords plus avantageux. « Avec les développements actuels, il est devenu nécessaire de redéfinir l’accord de partenariat avec l’UE afin qu’il repose sur un principe d’égalité et de réciprocité », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de répondre aux défis de diversification et de développement économique du pays. L’expert a également mis en lumière les déséquilibres économiques générés par l’accord actuel, qui serait défavorable à l’Algérie. Il a estimé que l’Algérie subit des pertes d’environ 5 milliards de dollars par an en droits de douane supprimés, soit un total cumulé de 30 milliards de dollars. Il a ajouté que, malgré les engagements de l’Union européenne en matière de transfert technologique, d’investissements et de diversification économique, ces objectifs n’ont pas été réalisés à la hauteur des attentes. « L’Algérie, en dépit de la signature de cet accord, n’a pas vu les retombées concrètes promises », a-t-il précisé.
Pour Tigharsi, la révision de cet accord doit se faire selon un principe « gagnant-gagnant ». Il insiste sur la nécessité de prendre en compte les récentes transformations économiques de l’Algérie, notamment sa volonté de renforcer sa souveraineté économique et de diversifier ses secteurs d’activité. « L’Algérie aspire désormais à établir des relations économiques équilibrées, en particulier dans des secteurs stratégiques tels que l’agriculture, le secteur minier et l’énergie », a-t-il ajouté. L’expert appelle ainsi à un partenariat plus ambitieux avec l’UE, qui dépasse la simple exportation de produits européens vers l’Algérie. « Aujourd’hui, l’Algérie a besoin d’une véritable coopération dans des domaines comme le transfert de technologies, la numérisation, et les énergies renouvelables », a-t-il précisé.
Un repositionnement stratégique pour l’Algérie
Le Dr Tigharsi a également souligné que l’Algérie, grâce à ses nouvelles forces économiques, peut désormais négocier sur des bases plus solides. Moins dépendante des importations, notamment pour les engrais, les produits alimentaires et les véhicules, elle a fait des progrès notables dans certains secteurs. « L’Algérie est aujourd’hui un leader dans la production d’engrais et enregistre des succès dans ses exportations agricoles, comme la vente d’oignons vers les pays du Golfe », a-t-il indiqué. Cette évolution économique permet à l’Algérie de renforcer sa position de négociation avec l’UE et de revendiquer des accords plus avantageux. « L’Algérie dispose désormais de capacités de production et d’exportation qui renforcent sa position sur le marché mondial. Elle n’est plus seulement un importateur, mais un acteur économique stratégique », a-t-il ajouté.
Enfin, l’expert a critiqué l’Union européenne pour son manque d’engagement dans le respect de plusieurs clauses essentielles de l’accord de partenariat. Il a rappelé que l’UE était censée soutenir l’Algérie dans des domaines clés comme l’énergie, l’éducation et l’industrie, mais que ces engagements sont restés largement insatisfaits. Il a également souligné que les procédures de visa et de déplacement entre l’Algérie et l’UE restent complexes et contraignantes pour les citoyens algériens, ce qui nuit à la fluidité des échanges.
Par Mourad A.