Sécurité alimentaire: De la pomme de terre au palmier dattier, les leviers d’une souveraineté durable
Alors que les crises sanitaires, climatiques et géopolitiques fragilisent les chaînes mondiales d’approvisionnement, l’Algérie poursuit sa quête d’autonomie alimentaire en misant sur des cultures stratégiques et résilientes. À l’occasion d’une conférence de presse consacrée au lancement de la 23e édition du salon SIPSA-Filaha 2025, Brahim Zitouni, vice-président du Groupe de Réflexion FilahaInnov (GRFI), a exposé une vision structurée pour instaurer une souveraineté alimentaire durable, en valorisant des filières agricoles clés telles que la pomme de terre, le palmier dattier et la tomate industrielle. « Nous devons passer d’un modèle de dépendance à un modèle d’autonomie, capable de répondre à nos besoins vitaux, surtout en période de crise », a déclaré Zitouni.
Premier pilier de cette stratégie : la pomme de terre, présentée comme une culture pivot dans le renforcement de la résilience alimentaire nationale. En cas de rupture d’approvisionnement en céréales, un domaine dans lequel l’Algérie reste structurellement déficitaire, cette culture offre une alternative crédible et rapide à produire. « Avec les techniques modernes comme la culture in vitro, l’hydroponie ou l’aéroponie, nous pouvons atteindre une réelle autonomisation en matière de production de pomme de terre, jusqu’à maîtriser la chaîne des semences », a affirmé le vice-président du GRFI. Autre levier fondamental mis en avant : le palmier dattier. Trop souvent cantonné à la production de dattes de bouche, il recèle pourtant un potentiel industriel considérable, encore largement sous-exploité. « Le palmier peut tout donner : dattes, cosmétiques, compléments alimentaires, textile, cuir, bois, papier… Il suffit d’une vraie stratégie de transformation locale pour éviter l’importation de produits dérivés à forte valeur ajoutée », a souligné Zitouni. Ce « patrimoine vivant », selon lui, devrait être placé au service d’un modèle de développement intégré, alliant agriculture, industrie et environnement. Un constat récurrent concerne la sous-utilisation des outils de transformation agroalimentaire, notamment dans le secteur de la tomate industrielle. Les évaporateurs déjà en place dans certaines unités de production pourraient être mobilisés pour transformer d’autres fruits et légumes, et ainsi améliorer la productivité sur l’ensemble de l’année. « Nos producteurs travaillent 45 jours par an sur la tomate. Pourquoi ne pas utiliser ces équipements pour traiter aussi l’abricot, la pêche ou la caroube ? »,a-t-il questionné.
La démarche promue par le GRFI ne s’arrête pas aux frontières de l’Algérie. Elle s’inscrit dans une logique panafricaine, fondée sur des forums régionaux, des conférences transsahéliennes et des diagnostics partagés. Une conférence panafricaine sur la sécurité alimentaire, organisée en mai 2024 avec la participation de neuf pays sahéliens, a ainsi permis de poser les bases d’une autonomie alimentaire régionale. « L’indépendance totale est difficile, mais une autonomie concertée est possible, surtout si l’on mutualise nos savoirs et ressources agricoles », a soutenu Zitouni. Enfin, cette stratégie repose également sur une philosophie de la connaissance appliquée à l’agriculture. Pour Zitouni, la souveraineté alimentaire ne peut être atteinte sans souveraineté cognitive. Il plaide pour une modernisation de la culture agricole traditionnelle, en conciliant savoir ancestral et innovation technologique. « La connaissance est une disposition culturelle. Elle commence dans nos campagnes, dans nos traditions, et se transforme en technologie quand elle est valorisée », a-t-il conclu.
Par M. A.