Situation sanitaire dans l’extrême sud du pays: 40 décès causés par la diphtérie et le paludisme
Les épidémies de diphtérie et de paludisme qui ont frappé les wilayas du sud de l’Algérie, notamment Tamanrasset, Bordj Badji Mokhtar et In Guezzam, ont causé la mort d’au moins 40 personnes sur un total de 536 cas recensés. La ville de Tinzaouatine, située à la frontière avec le Mali, est la plus touchée par cette double menace, selon le Pr Kamel Sanhadji, président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), de retour d’une mission dans le Sud du pays.
Lors de son intervention sur les ondes de la « Chaîne III » de la radio nationale, le Pr Sanhadji a précisé que, sur les 28 décès causés par la diphtérie, 27 ont été enregistrés à Tinzaouatine et un à In Guezzam. Depuis le 28 août, la majorité des cas de diphtérie dans le Grand-Sud ont été recensés dans les zones frontalières, notamment à Tinzaouatine et Timiaouine. Parallèlement, le paludisme, qui s’est propagé en raison des récentes pluies ayant favorisé la stagnation des eaux et la prolifération de moustiques, a également fait des victimes. Le paludisme, bien que non contagieux entre humains, est transmis par les moustiques. Depuis la fin du mois d’août, 421 cas ont été signalés, principalement à Tinzaouatine et In Guezzam, où 200 cas ont été recensés. La situation est similaire à Timiaouine, dans la wilaya de Bordj Badji Mokhtar, où 12 décès dus au paludisme ont été enregistrés, dont 5 à In Guezzam et 7 à Tinzaouatine.Le professeur a cependant souligné que la plupart des cas de diphtérie et de paludisme sont « majoritairement importés », en raison des migrations transfrontalières en provenance des pays voisins, exacerbées par les changements climatiques. Ces migrations ont contribué à la propagation de ces maladies dans les zones frontalières, où les conditions de vie et les infrastructures sanitaires sont souvent insuffisantes.
Face à cette double épidémie, le Pr Sanhadji a déploré l’insuffisance des infrastructures de santé locales. Bien que Tamanrasset dispose d’un centre de référence pour le traitement du paludisme, les localités plus reculées, comme In Guezzam et Tinzaouatine, ne peuvent compter que sur des polycliniques et de petits centres de soins, à peine fonctionnels. Ces structures peinent à répondre aux besoins croissants de la population. Même si des projets d’hôpitaux sont en cours, ils restent inachevés, retardant toute amélioration significative des capacités de prise en charge.La vaccination constitue également un défi majeur. Le Pr Sanhadji rappelle qu’avant la pandémie de Covid-19, l’Algérie était un modèle en matière de vaccination. Cependant, la crise mondiale a entraîné une négligence des autres vaccins, notamment celui contre la diphtérie. Cette « dette immunitaire » a permis la résurgence de la maladie dans ces régions, où la couverture vaccinale s’est considérablement affaiblie. Le Pr Sanhadji insiste sur la nécessité de redoubler d’efforts pour prévenir de futures épidémies.L’accès au dépistage demeure aussi un enjeu crucial. Dans ces zones éloignées, les équipements sont rudimentaires. Bien que certains tests puissent être réalisés sur place, la majorité des prélèvements doivent être envoyés à Alger, provoquant des retards dans le diagnostic et le traitement des patients. Le Pr Sanhadji préconise de renforcer les capacités locales de dépistage pour agir plus rapidement face aux urgences sanitaires.
Pour rappel, suite à l’apparition de cas de diphtérie et de paludisme dans les wilayas du sud de l’Algérie, l’Agence nationale de sécurité sanitaire a été envoyée sur ordre du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Cette mission a pour objectif d’évaluer scientifiquement la situation épidémiologique à travers une commission médicale composée d’épidémiologistes, d’immunologues, d’experts en vaccination et d’un corps paramédical de 14 agents de santé publique, afin de renforcer les équipes médicales déjà présentes sur le terrain.
Par Mourad A.