IATF- 2025: L’Algérie affiche ses ambitions africaines
Du 4 au 7 septembre, Alger sera le centre névralgique de l’économie africaine. La capitale accueille la 4e édition du Salon africain du commerce interafricain (IATF-2025), un rendez-vous majeur qui ambitionne de générer 44 milliards de dollars de transactions commerciales et d’investissements. Pour l’Algérie, qui espère capter entre 10 et 15 % de ce volume, soit près de 10 milliards de dollars, l’enjeu dépasse le simple événement : il s’agit d’une épreuve grandeur nature pour affirmer son rôle dans l’intégration économique du continent.
Lors de son intervention à la télévision nationale, Amine Boutalbi, président du Centre arabo-africain d’investissement et de développement (CAAID) et ambassadeur officiel du salon, a résumé l’importance de ce moment : « L’Algérie a remporté l’organisation de cette édition face à trois grandes économies africaines. C’est une reconnaissance de son poids croissant et de sa capacité à être une véritable porte d’entrée vers l’Afrique ». Selon les organisateurs, 60 % des accords attendus, soit environ 26 milliards de dollars, seront destinés à des investissements directs dans des infrastructures stratégiques : routes, ports, aéroports, énergie, mines ou encore numérique. Le reste, près de 17,6 milliards de dollars, concernera les échanges commerciaux de biens et de services. Des mécanismes financiers innovants, pilotés par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), permettront de sécuriser ces transactions, en partenariat avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Banque islamique de développement.
Parmi les grandes perspectives de cette édition figurent plusieurs partenariats stratégiques : la possibilité d’accords énergétiques entre Sonatrach et le groupe nigérian Dangote, le soutien aux exportations algériennes via le mécanisme de garantie de l’Afreximbank, ainsi que la signature de plus de 28 accords commerciaux et d’investissement impliquant notamment Sonelgaz, Sonatrach et GICA. Pour Amine Boutalbi, le défi est clair : « Nous devons convaincre les investisseurs et partenaires étrangers de la compétitivité de notre produit national. L’objectif fixé de 10 milliards de dollars est ambitieux, mais il obligera nos entreprises à hisser leur niveau de performance et à se projeter au-delà du marché local ». Plus de 10 chefs d’État et 96 ministres représentant les finances, l’industrie, le commerce et l’environnement sont attendus à Alger. À travers cette affluence, l’événement dépasse la dimension commerciale pour se muer en plateforme de réflexion sur l’avenir économique du continent, sous l’égide de l’Union africaine et dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
De son côté le Dr Larbi Ghouini, expert en économie, a rappelé la portée symbolique de cette édition : « L’accueil de ce salon à Alger est la preuve que l’Algérie est reconnue comme la troisième économie d’Afrique. Les réformes entreprises ces dernières années, notamment la nouvelle loi sur l’investissement, ont commencé à porter leurs fruits et renforcent sa crédibilité ».Le salon mettra en lumière des opportunités sectorielles inédites à travers des forums thématiques. Le premier sera axé sur l’automobile et les technologies, notamment les projets de véhicules électriques. Un autre forum sera consacré aux femmes entrepreneures et à la jeunesse innovante, considérées comme des moteurs du commerce continental. Enfin, un forum sur les infrastructures et la logistique permettra à l’Algérie de valoriser son réseau de transport, y compris sa plus longue ligne ferroviaire d’Afrique. Les besoins exprimés par plusieurs pays africains ouvrent des marchés colossaux ; à titre d’exemple, la demande en matériaux de construction pourrait dépasser les 40 milliards de m² de céramique d’ici 2026. Les entreprises algériennes de ciment, clinker, acier et électroménager disposent de sérieux atouts pour se positionner sur ces marchés.
Au-delà des chiffres, ce salon représente une vitrine pour redéfinir l’image de l’Algérie. Peu connue sur le continent en dehors de son rôle énergétique, elle ambitionne désormais de diversifier sa présence : industrie, agriculture, services, universités et recherche scientifique. « L’essentiel, c’est de changer la perception de l’Algérie. Beaucoup d’Africains connaissent nos ressources en gaz et en pétrole, mais ignorent que nous produisons des matériaux de construction, de l’électroménager ou que nos universités forment des élites africaines. Ce salon est l’occasion de montrer cette autre facette de notre économie », a insisté Amine Boutalbi. Pour le Dr Ghouini, l’événement s’inscrit dans une dynamique plus large : « L’Afrique est aujourd’hui à la recherche d’un modèle de développement endogène et intégré. L’Algérie, forte de ses réformes et de sa stabilité macroéconomique, a toutes les cartes en main pour jouer un rôle central dans cette nouvelle donne ». L’Algérie joue donc gros : transformer ce rendez-vous en levier pour augmenter sa part du commerce interafricain, encore jugée trop faible au regard de son potentiel. Les 10 milliards de dollars visés ne sont pas qu’un chiffre : ils symbolisent l’entrée d’une économie longtemps tournée vers l’Europe dans une Afrique en pleine mutation.
Par Mourad A.