Agriculture: Vers une souveraineté alimentaire renforcée
Dans le cadre des défis liés à la sécurité alimentaire, l’Algérie a élaboré une feuille de route ambitieuse à l’horizon 2030. Cette initiative vise à augmenter les superficies agricoles irriguées à 3 millions d’hectares, à renforcer l’autonomie en matière de production de cultures stratégiques telles que les céréales, les légumineuses et les oléagineux, tout en réduisant la dépendance aux importations. S’appuyant sur la modernisation des techniques agricoles, l’optimisation des ressources en eau et la régionalisation des efforts en fonction des conditions climatiques, cette stratégie a été présentée par le Pr. Tarik Hartani, directeur de l’École nationale supérieure agronomique d’Alger (ENSA) et coordinateur du Comité de réflexion pour le développement des céréales en Algérie.
Intervenant sur les ondes de la « Chaîne III » de la radio nationale, le Pr. Hartani a souligné que la sécurité alimentaire est désormais une priorité stratégique du gouvernement algérien, essentielle pour assurer la stabilité économique du pays. Le développement des cultures stratégiques, incluant le blé dur, les légumineuses et les oléagineux, occupe une place centrale dans les politiques agricoles du pays. En augmentant la production locale de ces denrées, l’Algérie cherche à renforcer sa souveraineté alimentaire et à se protéger des fluctuations des marchés internationaux. « L’un des principaux objectifs est d’étendre les surfaces irriguées à 3 millions d’hectares, en particulier dans le Sud, où l’irrigation compense les aléas climatiques et stabilise la production céréalière. Des zones comme Adrar, Ouargla et Timimoun sont pilotes, et les résultats obtenus jusqu’à présent sont encourageants », a-t-il précisé.
Le professeur a également mis l’accent sur l’importance d’un soutien technique accru pour les agriculteurs. L’introduction de technologies modernes, la formation des agriculteurs et l’amélioration de la qualité des semences doivent permettre d’optimiser les rendements. En outre, la formation des jeunes ingénieurs agronomes est primordiale pour stimuler l’innovation et la compétitivité dans le secteur. Le Pr. Hartani a insisté sur la nécessité d’une approche régionalisée, adaptée aux spécificités climatiques et hydrologiques de chaque région. « Dans le Sud, l’irrigation est cruciale pour garantir une production stable malgré des conditions climatiques difficiles. Cependant, des défis subsistent, comme les crues et les vents qui affectent certaines cultures », a-t-il ajouté.
En ce qui concerne la gestion des ressources en eau, le Pr. Hartani a souligné que cette question est centrale dans la stratégie agricole. Le gouvernement a créé des commissions pour identifier et gérer les ressources en eau souterraines, notamment les aquifères sahariens. Des données fiables sur ces réserves sont essentielles pour garantir une utilisation durable de ces ressources et éviter leur épuisement. De plus, l’État joue un rôle clé en soutenant les agriculteurs, en particulier les jeunes, à travers des politiques d’accompagnement, l’accès aux outils modernes et des mécanismes de financement. « Les jeunes exploitants bénéficient de ce soutien pour investir dans le secteur. Des mécanismes de solidarité régionale permettent aussi de transférer les semences excédentaires vers les zones les plus touchées par des conditions défavorables, renforçant ainsi la résilience de notre agriculture », a-t-il déclaré.
Malgré les progrès, le secteur agricole algérien doit encore surmonter plusieurs défis, notamment le manque d’équipements adaptés et les difficultés liées aux conditions climatiques. Le Pr. Hartani a souligné la nécessité de moderniser les infrastructures de stockage, en particulier pour les céréales, afin de limiter les pertes après récolte. De plus, la rareté de l’eau encourage le recours à l’irrigation au goutte-à-goutte et à l’utilisation des énergies renouvelables pour alimenter les exploitations agricoles. Selon lui, le dessalement de l’eau, bien que coûteux, est une solution indirecte pour l’agriculture : il permettrait de réserver les eaux dessalées aux villes tout en libérant les ressources naturelles pour l’irrigation. Il a également insisté sur l’importance de protéger les terres agricoles de l’urbanisation anarchique, en créant des ceintures vertes et en revégétalisant les villes pour atténuer les effets du changement climatique.
Sur le plan financier, l’État soutient l’agriculture à hauteur de 100 milliards de dinars annuellement. Toutefois, le Pr. Hartani souligne l’importance de simplifier l’accès à ces aides, notamment en réduisant les retards dans les paiements. Il a également déploré le déclin du secteur forestier, qui était autrefois un pilier économique grâce à l’exportation de liège et d’alpha, et appelle à une prise de conscience pour protéger ces ressources vitales. En parallèle, il a évoqué les fluctuations des marchés mondiaux, en particulier pour les semences et les engrais, qui affectent les agriculteurs. Bien que certains produits comme l’huile et le sucre soient subventionnés par l’État, d’autres filières restent vulnérables face à ces variations de prix, menaçant ainsi la stabilité du secteur agricole.
Enfin, le Pr. Hartani a affirmé que le développement agricole en Algérie s’inscrit dans une logique de durabilité, avec un souci constant de protection des terres agricoles contre l’urbanisation incontrôlée et de gestion rationnelle des ressources naturelles. L’intégration des jeunes générations d’agriculteurs est essentielle pour assurer la continuité des efforts sur le long terme. « L’Algérie, en visant l’autosuffisance alimentaire d’ici 2030, met en œuvre une stratégie ambitieuse alliant modernisation agricole, soutien étatique et gestion durable des ressources. La clé du succès réside dans la capacité à relever les défis liés à l’eau, aux infrastructures et à l’intégration des nouvelles technologies pour garantir une agriculture résiliente, durable et compétitive à long terme », a-t-il conclu.
Par Mourad A.