Chronique Eco: L’argent facile produit des situations difficiles
La Mondialisation ou plus exactement la globalisation économique a réellement transformé les relations économiques tant au niveau national qu’à celui international. Le système financier a été le facteur principal dans ces transformations, plus que le libre – échange commercial. En effet, la financiarisation à outrance des économies a transformé les rapports de propriété, les systèmes de fiscalité, les relations bancaires et surtout la gouvernance des grandes sociétés. Le pouvoir est passé des mains des actionnaires directs vers les banques et les institutions d’intermédiation financière ; même la bourse exerce une influence considérable sur la gouvernance des sociétés lorsqu’il s’agit des décisions d’investissement, de la politique de distribution des dividendes, de la rémunération des dirigeants et de la politique d’implantation. Il n’y a pas que les capitaux propres qui sont sous l’emprise du marché financier. Un autre facteur a joué aussi un rôle décisif dans le développement des interactions sur les marchés financiers. Il s’agit de l’endettement, ce que certains économistes qualifient d’Argent facile. En effet, l’endettement encourage à l’usage des capitaux dans l’investissement, souvent il incite à un surdimensionnement des financements tant que les capitaux sont disponibles auprès des banques ou même auprès des institutions publiques par le truchement de la création monétaire pour financer les budgets publics. L’argent facile a commencé par asservir les entreprises avant d’atteindre les Etats. Aujourd’hui, beaucoup d’Etats sont surendettés au point où leur situation est devenue comparable aux entreprises en faillite. D’une part, les besoins en trésorerie pour rembourser le capital obèrent significativement les recettes budgétaires, d’autre part, les dépenses budgétaire de paiement des intérêts de la dette viennent gonfler les dépenses publiques et provoquent une éviction des autres dépenses destinées aux services publics. L’endettement, qu’il soit interne ou international, les conséquences en sont les mêmes. Au niveau international les volumes sont colossaux et les alertes ont été données par le FMI depuis plusieurs années déjà, mais le phénomène continue sa progression. Au niveau de chaque pays, certains pays sont endettés dans des proportions alarmantes : deux à trois fois le PIB. Comment régler ce problème qui risque de créer une crise mondiale sans précédent avec des faillites des banques et des Etats faillis …
Trois options sont généralement offertes aux débiteurs pour rétablir un certain équilibre : 1. Partage la charge de la dette (principal et intérêt) sur l’ensemble de la population, soit par un impôt spécial, soit par l’inflation ; 2. Cession des actifs publics sur le marché ; et 3. Mettre la dette sur le marché. Aucune de ces options n’est indemne en matière d’impact sur l’économie et la société. L’argentine qui souffre de cette endettement depuis plusieurs décennies est arrivé à l’impasse ; ni le marché financier, ni le FMI ne semblent lui venir en aide pour sortir du cycle infernal. Le nouveau président, économiste très libéral, pense avoir trouvé la solution, cette semaine : il a mis sur le marché plus de deux mille biens publics (immeubles et autres actifs jugés non utiles (sic)) pour collecter l’argent nécessaire au remboursement d’une partie de la dette. Les EU, La France, l’Italie, l’Allemagne parmi les pays développés ou L’Egypte, la Turquie ou le Maroc dans les pays du Sud sont dans une situation assez difficile, leurs débiteurs internationaux songent sérieusement à se débarrasser des titres obligataires détenus par ces pays. Des pays, grands épargnants, comme l’Arabie saoudite et la Chine habitués à des placements dans ces Etas commencent à revoir leur stratégie de placement. L’Arabie Saoudite a lancé, cette semaine, une menace pour retirer son épargne auprès des pays européens lourdement endettés.
A court et moyen terme, la solution argentine sera certainement suivie par d’autres pays (cession d’actifs ou de patrimoines publics) ; d’autres démarches sont aussi envisageables, comme la mise de la dette publique sur les marchés financiers avec, bien entendu, des décotes. Il ne s’agit pas de faire le procès du crédit, au contraire celui-ci a été et est pour toujours le moteur de l’activité économique, le problème est de ne pas abuser de cette source de financement facile et ainsi de lier l’endettement à la nature de l’activité à financer, laquelle activité qui doit dégager les cash-flows nécessaires pour un remboursement à échéance. Ceci est valable aussi pour le financement des déficits budgétaires par la création monétaire si cet endettement est destiné au financement du budget de fonctionnement.
Finalement l’argent facile (endettement sur le marché ou par création monétaire) produit des situations difficiles (cession de patrimoine et/ou appauvrissement de la population).
ANOUAR EL ANDALOUSSI