15/01/2025
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Chronique Eco: Osons une grande réforme des collectivités locales

L’évènement le plus attendu pour ce début d’année 2025 est, sans aucun doute, la loi sur les collectivités locales (on ne sait pas encore s’il s’agit de deux lois, l’une sur la Wilaya et l’autre sur la Commune ou une seule loi pour les deux collectivités locales). Pourquoi cette codification des collectivités locales est importance dans le contexte actuel et surtout pour l’avenir du pays ? D’une part il est maintenant démontré que les modèles d’organisation des sociétés et des économies les plus décentralisés sont les plus performants tant au plan de la gouvernance des politiques publiques qu’au plan de l’efficacité économique.

Dans un monde en mutation et surtout où les impacts des facteurs externes touchent directement les acteurs locaux, les Etats les plus puissants n’arrivent pas à tout contrôler et à protéger toutes les catégories socioéconomiques des influences extérieures ; la seule riposte à cette situation est de doter les acteurs locaux de moyens institutionnels et organisationnels leur permettant de faire face à ces influences. D’autre part, la décentralisation impliquera une responsabilisation des niveaux locaux, révélera les potentiels non exploités et favorisera l’initiative et la recherche de solutions locales adaptées au contexte socioéconomique local.

Les notions de Gouvernance locale, de démocratie participative ont occupé les débats au cours des dernières années, mais quand on observe le fonctionnement des collectivités locales, rien n’a changé et rien de ces notions n’est approprié par les collectivités et les acteurs locaux. On a l’impression que le discours sur ces notions est dans une rivière (oued) et la réalité des choses est dans une autre rivière (oued). Pour preuve, nos visites dans plusieurs collectivités locales, à la lumière des politiques d’investissements dans l’industrie et dans l’agriculture saharienne, nous ont révélé ce décalage. Les responsables locaux se considèrent complètement exclus de ces processus se déroulant sur leurs territoires et les investisseurs se plaignent de la faiblesse des instruments institutionnels mis en œuvre et se trouvent ballotés entre les agences et les collectivités territoriales.

La Gouvernance locale, comme la démocratie participative qui en est une composante ne peuvent avoir un sens et un contenu réel que dans le cadre d’une décentralisation effective. Alors ce qui est attendu réellement des prochains codes sur les collectivités locales, c’est l’amorce d’une décentralisation effective, graduelle, soutenue et accompagnée par l’Etat. L’opération est très complexe dans un contexte institutionnel caractérisé par une culture de soumission à une « hiérarchie » lourde et tatillonne et un personnel habitué à exécuter des instructions plutôt que de définir des plans d’actions et encore moins prendre des décisions risquées. Le personnel des collectivités locales est peu formé aux méthodes d’élaboration des politiques publiques locales et aux processus décisionnels.

Mais en même temps une démarche de décentralisation donnera l’opportunité à ce personnel (politique à travers les élus, administratif à travers les fonctionnaires) de se frotter à la réalité des enjeux et à prouver leurs compétences respectives devant les problématiques de développement. Le véritable défi est donc celui de la formation de tous ces acteurs des collectivités locales.

Dans le passé de nombreux programmes de formation nationaux ou dans le cadre de la coopération ont été organisés au profit de ces personnels. Trois biais ont été relevés dans ces formations : (i) les programmes étaient désincarnés ; on parlait d’un objet virtuel ou d’un contexte extraterritorial à travers des exemples étrangers totalement différents du contexte algérien ;  (ii) les personnes proposées pour ces programmes de formation n’étaient ni préparées, ni motivées pour suivre la formation et (iii) au retour de la formation, les personnels « formés replongent dans le système administratif qu’ils avaient laissé avant leur engagement dans la formation. La formation a été utilisée comme un alibi pour dire que les réformes des collectivités locales sont engagées. On forme pour un nouveau mode de gestion, mais si dernier n’est pas encore conçu, la formation ne servira à rien.

Une réforme profonde et réelle des collectivités locales  serait un objet nouveau pour lancer des formations appropriées qui seront nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de la réforme ; ainsi on aura un vrai objet (réel) sur lequel seront conçu un programme et des outils de formation. La gouvernance locale sera alimentée par le cadre institutionnel défini par la réforme et par l’émergence des acteurs locaux ayant des volontés, des aptitudes et conscients des enjeux de la réforme et de ses défis. 

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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