Entre surconsommation et spéculation: Le marché des produits alimentaires sous tension
À l’approche du mois sacré de Ramadan, le marché algérien fait face à une dynamique particulière. Bien que la disponibilité des produits de base semble assurée dans l’ensemble, certaines hausses de prix suscitent l’inquiétude parmi les consommateurs. Entre spéculation, augmentation de la demande et dysfonctionnements structurels, la situation appelle à des réformes urgentes. Zaki Hariz, président de la Fédération algérienne des consommateurs, tire la sonnette d’alarme et propose des solutions pour réguler un marché fréquemment victime des excès.
Les étals des marchés algériens sont bien fournis en produits alimentaires essentiels. Lors de son intervention au forum d’El Moudjahid, Zaki Hariz a souligné que les stocks de sucre, d’huile, de lait, de café et de légumes secs sont suffisants, et que les usines fonctionnent à plein régime pour répondre à la demande. Cependant, malgré cette disponibilité, certains prix ont pris l’ascenseur. C’est notamment le cas de la pomme de terre, dont le prix a grimpé de 40 %, atteignant parfois 110 dinars le kilogramme. « La demande sur les féculents est en forte hausse, ce qui pousse les prix vers le haut, d’autant plus que la spéculation aggrave la situation », a expliqué Hariz. La viande ovine, incontournable dans les repas du Ramadan, atteint également des niveaux record, avec un prix dépassant les 3500 dinars le kilogramme.
Derrière cette flambée des prix se cachent des problèmes structurels persistants. Le secteur de la distribution reste mal organisé, entraînant une gestion inefficace des stocks. « Une grande partie des produits agricoles passe directement des fermes aux marchés, sans tri ni calibrage, ce qui génère des pertes considérables », a déploré Hariz. Le gaspillage alimentaire, un autre fléau préoccupant, atteint entre 20 et 25 % des fruits et légumes, faute d’infrastructures de conservation adéquates. « Nous devons investir dans des centres de tri et de stockage pour éviter ces pertes inutiles », a ajouté le président de la Fédération des consommateurs.
Les chiffres de la consommation alimentaire durant le Ramadan illustrent l’impact économique de cette période. En moyenne, une famille algérienne dépense 55 000 dinars en nourriture pendant le mois sacré, un montant pouvant atteindre 100 000 dinars pour certains foyers. « La consommation de viande rouge représente une charge importante pour les ménages. Un foyer moyen achète environ 5 kg d’agneau, soit un budget de près de 19 000 dinars », a détaillé Hariz. Les autres produits de base connaissent une demande similaire : 10 kg de farine et de semoule, 30 litres de lait et 15 kg de pommes de terre sont nécessaires pour chaque famille. Bien que cette flambée des prix soit en partie causée par une demande accrue, la spéculation y joue également un rôle majeur. « Certains commerçants retardent volontairement la mise sur le marché de certains produits pour maximiser leurs profits », a dénoncé Hariz. Pour limiter ces tensions, les autorités tentent de libérer progressivement les stocks stratégiques, notamment en injectant des viandes blanches importées et des pommes de terre issues des réserves nationales. Cependant, ces mesures restent insuffisantes face à une demande qui explose à l’approche du Ramadan. Pour éviter la répétition de cette situation chaque année, l’intervenant a préconisé une double réforme : une meilleure organisation du marché et une sensibilisation accrue des consommateurs. « Il faut renforcer le contrôle des prix, mais aussi encourager une consommation plus réfléchie. Acheter en grande quantité dès la première semaine de Ramadan ne fait qu’aggraver la crise », a-t-il insisté. L’amélioration des infrastructures de stockage et de distribution, la régulation des importations et une lutte plus efficace contre la spéculation sont autant de pistes à explorer pour stabiliser le marché. En attendant, les consommateurs restent à la merci des fluctuations des prix et de la loi de l’offre et de la demande, avec l’espoir que les mesures correctives annoncées par les autorités produisent enfin des résultats.
Par Mourad A.