09/05/2024
ACTUANALYSE

Principaux constats sur le secteur bancaire en Algérie 

Plusieurs caractéristiques se dégagent

Notre secteur bancaire reste néanmoins de taille très modeste à environ 160 milliards de dollars (22.003 milliards de DZD au taux de fin 2022 de 137.12 DZD/ us$).

Par Rachid Sekak (*)

1/Un marché qui continue de se distinguer par une forte mobilité des bilans

Le total de bilan de la place est de 22.003 milliards de DZD à la fin de 2022.  Ce total de bilan était de 19.301 milliards de DZD a la fin de 2021 et de 15.943 milliards de DZD à la fin de 2020.  On observe donc une hausse de + 14 % sur exercice 2022. La croissance a été plus rapide pour les banques publiques (+ 15.55 %) que pour les banques privées : + 3.73 %.

Notre secteur bancaire reste néanmoins de taille très modeste à environ 160 milliards de dollars (22.003 milliards de DZD au taux de fin 2022 de 137.12 DZD/ us$)

2/ Les 6 banques publiques continuent de dominer le marché

Total de bilan des banques publiques : 19.366 milliards de DZD

Total de bilan des banques privées : 2.638 milliards de DZD

Les banques publiques représentent 88% du total de bilan de la place : proportion en hausse par rapport à 2021 qui s’affichait à 86.82 %.

La plus petite banque publique (BDL) avec un total bilan de 1.513 milliards de dinars est plus de 3 fois supérieure à la plus grande banque privée (SOCGEN) qui dispose d’un bilan de seulement  441 milliards de dinars.

La part des banques islamiques est en léger recul à 2.45 % du total de bilan de la place contre 2.70 % en 2021, à relever néanmoins un dynamisme plus fort chez Al Salam Bank (en hausse de 12 % en 2022) que chez El baraka (en baisse de 3.8 % en 2022). 

3/ La forte mobilité des bilans cache des évolutions contradictoires très significatives

5 points sont à relever

Point 1 /Les dépôts de la clientèle augmentent sensiblement de 15.64 %

Banques publiques : + 18%. Banques privées : + 3.40 %

Cette évolution trouve sa genèse dans la hausse des dépôts chez la BEA de 30.28 % (+886 milliards de DZD par rapport a 2021). Cette hausse, propre à la BEA fortement liée aux hydrocarbures, explique pour 46.21 % la hausse des dépôts observée chez les banques publiques.

La collecte des ressources par les banques privées a été moins efficiente que dans le passé avec une hausse de 3.40 % largement inferieure au taux d’inflation observé.

Point 2/ Les prêts à la clientèle stagnent

Les prêts à la clientèle de notre système bancaire sont en légère hausse de 1.89 %. La hausse chez les banques publiques a été de 1.86 % contre 2 % chez les banques privées.

A noter que les prêts à la clientèle de la BEA sont en baisse sensible de 8.53 % sur l’exercice 2022. Ils passent de 1.641 milliards à fin 2021 à 1.501 milliards à fin 2022. Les prêts de la BNA sont en hausse de 13 %. Ceux de la BADR de 10.21 %. L’activité de crédit est en baisse aux guichets du CPA, de la BDL et de la CNEP.

Globalement pour notre économie, la hausse des dépôts observée suite à l’amélioration du prix des hydrocarbures ne s’est pas traduite par une hausse de l’activité de crédit. Ce constat soulève la question de la réalité du processus de relance qui est affiché par les autorités.

Point 3/ Une évolution sensible du portefeuille des banques publiques

La part des bons du trésor dans les bilans bancaires reste très importante.Chez les banques publiques, la dichotomie observée entre la hausse des bilans et la stagnation des crédits à la clientèle s’explique notamment par une intervention marquée sur les actifs du Trésor.

La taille du portefeuille d’obligations du Trésor détenus par les banques publiques est en baisse par rapport à 2021, mais  elle continue de représenter une part très significative de leurs bilans.

Globalement le montant des titres du Trésor et assimilables détenu par nos banques publiques est de 4.064 milliards de dinars à fin 2022 de 4939 milliards de dinars à la fin de 2021(36 milliards de us$) soit 29.47 % de leurs bilans.

Pour rappel, ce montant n’était que de 1301 milliards de dinars à fin 2020 et ne représentait que 9.49 % des bilans.

Malgré une amélioration sensible, pour certaines de nos banques publiques la proportion de bons du Trésor dans les bilans reste très substantielle à la fin de 2022 notamment pour la :

  • BNA : 947 milliards soit 45.81 % du bilan contre 1924 milliards soit 42.95 % du bilan en 2021
  • CNEP : 749 milliards soit 37.92 % du bilan contre  699 milliards soit 38.81 % du bilan en 2021
  • BEA : 980 milliards soit 20.80 % du bilan contre 1133 milliards soit 27.18 % du bilan en 2021

Point 4 /Une baisse du produit net bancaire de la place

Le produit net bancaire ou chiffre d’affaires des banques a diminue de 4.64 % en 2022 après un baisse de 1.84 % en 2021. La baisse du PNB des banques publiques de 7.17 % n’a pas été compensée par la hausse de 3.90 % observée chez les banques privées.

On relève que le PNB de la BEA est en forte baisse de 25.96 % notamment à cause d’une hausse sensible du cout des ressources (rémunération des dépôts de Sonatrach ?). Celui du CPA est en baisse de 14 % et celui de la BNA en baisse de 10.53 %.

A noter qu’en 2020 la baisse globale du PNB était déjà de 2 % par rapport à 2019.

Le marché est clairement en phase de récession. Est-ce uniquement du à l’encadrement des taux d’intérêt et des commissions sur le commerce extérieur ?

Point 5/ Une rentabilité apparente toujours forte et découlant notamment d’une baisse sensible du cout du risque

Les coefficients d’exploitation restent bas : 33.08 % chez les banques publiques et 42.52 % chez les banques privées. En moyenne 35.45 % .

Pour mémoire, le coefficient d’exploitation est le rapport entre les frais généraux et le produit net bancaire (PNB).

Le cout du risque mesure par les provisions nettes passes par les banques  est en forte baisse de 26.16 % à 73.26 milliards contre 99.22 milliards de dinars en 2021, 178 milliards en 2020 et 187 milliards de 2019.

Le cout du risque s’affiche à 14.22 % du pnb de la place (18 % en 2021 et 32.50 % en 2020). Cette baisse du cout du risque explique la hausse des profits de 6.31 % à 226 milliards de dinars et des ROE très appréciable : un ROE moyen de11.99 % pour les banques publiques et de 14.11 % pour les banques privées.

Quelles évolutions ?

Les principaux questionnements

Il est difficile de faire une dichotomie entre économie financière et économie réelle. La situation actuelle du système bancaire reflète et accentue les dérèglements structurels de notre économie et de sa dérive budgétaire. Nous ne pouvons pas ignorer le contexte macro-économique.  La situation de notre secteur bancaire est symptomatique d’une économie qui a bénéficié d’une embellie financière externe ….. Mais qui rencontre de gros soucis de relance de l’investissement productif…….absolument nécessaire à une relance de la croissance. Notre secteur bancaire reste fragile et notre intermédiation bancaire inefficace.

Nos banques publiques qui sont devenues les banquiers du trésor seront de plus en plus sensibles à l’évolution de nos finances publiques et donc à l’évolution du cours de hydrocarbures.

Dans ce cadre plusieurs questions restent posées :

  • Les suites à donner au financement sans fin des déficits des entreprises publiques ?
  • Le nécessaire traitement de fond de nos finances publiques notamment la diversification des sources de financement du budget ?
  • Que se passera-t-il en cas de nouveau retournement abrupt du marche des hydrocarbures qui pourrait réduire la liquidité du marché et la capacité du Trésor à faire face à sa dette ?
  • Que se passera-t-il quand certaines de nos banques publiques devront rembourser à la Banque d’Algérie les refinancements lies au PSR ?

Au total, une nouvelle et profonde crise de liquidité n’est pas une hypothèse à ignorer.

Pour conclure,

La reforme du secteur bancaire est une nécessité incontournable. Mais elle ne sera pas suffisante pour relancer une croissance pérenne et diversifier notre économie ……..Si elle n’est pas accompagnée d’un programme cohérent de reformes structurelles dont elle est seulement une partie.

(*) Financier et consultant international

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