Trump détricote la mondialisation « heureuse » ?
Exceptionnellement, en raison de l’actualité, la chronique d’aujourd’hui comprendra deux parties distinctes.
1. Pour Trump, la mondialisation a profité plus aux Chinois et autres pays émergents asiatiques qu’aux américains. L’OMC a été le cœur battant de la mondialisation heureuse. Mais celle-ci est aujourd’hui attaquée par tous les acteurs de l’économie mondiale ; Trump va certainement porter le coup décisif.
Deux instruments à l’œuvre selon Trump : baisser les prix de l’énergie et pratiquer le protectionnisme ?
A priori, baisser le prix de l’énergie en Amérique est une aubaine pour les investisseurs et les consommateurs. Les investisseurs étrangers sont appelés à venir en Amérique s’ils veulent échapper aux règles de protectionnisme imposées. Jusque là la décision de Trump semble de bon sens ; tous les pays utilisent leurs avantages compétitifs pour attirer les IdE ; ceci est donc possible pour le premier producteur d’hydrocarbures. Plusieurs groupes européens ont déjà fait le choix d’investir aux USA ; l’Arabie Saoudite annonce, à son tour, un investissement de 500 Mds de $. La Russie et les autres producteurs OPEP+ seront certainement impactés par cette démarche. Trump veut imposer cette baisse aux autres pays comme la Russie et l’Arabie Saoudite. Une telle décision n’a aucune rationalité pour le premier producteur de l’énergie fossile (conventionnelle ou non). Une baisse généralisée des prix de l’énergie peut impacter négativement les autres producteurs et particulièrement les deux plus importants (Russie et Arabie Saoudite), mais en même temps elle peut être très bénéfique pour des pays grands consommateurs comme la Chine et l’Inde. La Chine est le premier compétiteur de l’Amérique et dans ce cas, la décision américaine donnerait un bonus au concurrent. Alors, où se situe l’énigme. Il vise certainement à vider la Chine de son attractivité des IdE. Un mouvement de relocalisation a été observé depuis la Covid19. Réindustrialiser l’Amérique, particulièrement dans les industries manufacturières a toujours été une préoccupation des dirigeants américains, mais aucune politique industrielle n’est arrivée à contrer la puissance Chinoise dans ce domaine. Trump revient à la charge avec des moyens plus appropriés : relocalisation des investissements et protectionnisme. Entretemps, la Chine a fait un redéploiement industriel vers les activités de haute technologie, c’est-à-dire les domaines que les USA avaient réservés pour eux et délaisser la manufacture pour l’Asie. Lorsque l’on sait que le marché américain est souvent la clé de succès pour beaucoup d’entreprises, alors pour les investisseurs, le choix est délicat, voire très complexe : s’y installer en Amérique ou payer le prix pour l’accès au marché. Cette politique va –t- elle réussir ? Rien n’est moins sûr. La Chine, mais aussi l’Inde, le Brésil, les Philippines… aiguisent eux aussi leur armes. La guerre commerciale sera rude.
Et l’Europe dans tout ce méli-mélo. Elle aura sa double dose ; l’une des pays émergeants et l’autre des USA. Elle paie sa soumission aux américains, en achetant le gaz de schiste américain et elle subira la compétitivité des pays émergeants.
Dans sa dernière livraison (25/01/2025) Alternatives Economiques note que : « Donald Trump a déjà promis qu’il n’épargnerait nullement l’Europe dans la hausse des barrières douanières qu’il compte imposer. Le retour au pouvoir du Républicain remet ainsi au centre du débat la question du protectionnisme. Au-delà des négociations commerciales à venir avec les Américains, l’Union européenne aurait-elle aussi intérêt à introduire une dose de protectionnisme ? Entre la concurrence de nombreux industriels chinois et des géants américains qui dominent l’économie du Vieux-continent sur les nouvelles technologies, Bruxelles ne devrait-elle pas se protéger pour assurer son développement économique ? L’Europe est mal armée face à Donald Trump et aux industriels chinois. Elle évolue sur une ligne de crête entre volonté d’ouverture et nécessité de défendre ses intérêts. » L’Europe sera le cœur de cette démarche de Trump, elle sera livrée à la Chine ; à moins que l’Europe se protège elle aussi par des barrières douanières vis-à-vis des autres protagonistes du commerce mondiale. Dans une telle situation de généralisation des politiques de protection, les vertus tant loués par les promoteurs de la mondialisation et le commerce mondial seront remises en cause. La surenchère dans l’application des mesures protectionnistes va conduire inéluctablement à une inflation généralisée. Déjà le FMI estime une baisse des échanges internationaux entre 10 et 20% au cours des années à venir. Les USA ont conçu et régenté les règles du commerce mondial en leur faveur à travers l’OMC, alors que les Chinois ont utilisé ces règles pour s’imposer dans les échanges. Pour les américains ce qui n’est pas en leur faveur doit être combattu ; c’est la mission de Trump.
La fin de la mondialisation heureuse a-t-elle commencé ?
2. Trump n’est pas le seul à faire l’évènement au début de cette année 2025. Un autre évènement majeur se produit en ce moment même, il s’agit de Gaza et son peuple. Une autre Mondialisation du malheur contre un peuple génial. Quel courage, quelle résilience, quelle fierté, quelle démonstration de force contre l’injustice mondiale qui leur est imposée. Gaza aussi a montré la cruelle mondialisation de sa cause. L’Amérique et l’Europe se liguent pour enterrer vivant un peuple. La lutte du peuple de Gaza a mis à nu le visage hideux de la mondialisation criminelle contre ce grand peuple de deux millions d’âmes. Le sionisme s’est mondialisé contre le droit humain. Le vieux continent habitué à donner des leçons de droits de l’homme, de liberté et de justice s’est tu pour ne pas perturber ou freiner la barbarie d’une entité créée de toute pièce en 1948 par deux pays, la Grande Bretagne et la France, « berceaux » des droits humains. Le hasard a fait que le retour des déplacés (des déportés) du Nord de Gaza dans ce qui reste de leur région (entièrement rasée), coïncide avec l’anniversaire de la libération d’Auschwitz. Pour les Sionistes et leurs protecteurs et soutiens occidentaux, l’histoire (mémoire) ne sert que pour en faire un faire valoir et un « fonds de commerce », mais jamais pour apprendre des épreuves et tirer des leçons pour l’avenir de l’humanité.
Gaza mérite bien cette petite digression dans une chronique économique. Pas tout à fait, car Gaza a développé une industrie militaire très florissante.
ANOUAR EL ANDALOUSSI