Tunisie: Quel partenariat dans un contexte de crise ?
Selon les experts, l’année 2010 a marqué un tournant décisif dans le partenariat qui unit la Tunisie et les bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale et le FMI. Changement au niveau de la nature de l’appui accordé, cafouillages dans les processus de pourparlers…
Les négociations avec les institutions internationales ont marqué le pas et certaines politiques d’appui ont changé de fusil d’épaule. Alors quel partenariat faut-il privilégier dans un contexte de crise?
La IT Business School vient d’organiser un débat en ligne qui a été modéré par l’économiste Aram Belhadj, et auquel ont pris part des experts et économistes de renommée qui ont abordé diverses questions relatives aux relations de partenariat entre la Tunisie et les institutions internationales, notamment la Banque mondiale et le FMI.
L’intervention de Hédi Larbi, ex-ministre de l’Equipement, a été axée sur l’appui technique et financier accordé par la Banque mondiale, depuis l’indépendance pour soutenir l’économie tunisienne. Selon l’expert, l’année 2010 a marqué un tournant majeur dans le partenariat qui unit la Tunisie et l’institution internationale. Alors que depuis l’Indépendance et jusqu’au milieu des années 2000, l’essentiel de l’appui fourni par la Banque mondiale servait à financer des projets d’infrastructure et de développement, après 2010, tous les financements accordés par la BM allaient exclusivement à l’appui budgétaire. “Depuis 2010, il y a eu un shift structurel très important. Avant 2010, 90% de l’apport de la Banque mondiale, qui était aux alentours de 200 millions de dollars par an, sont utilisés pour financer des projets de développement, il n’a jamais été question de soutien budgétaire”, a insisté Larbi. Il a ajouté que pendant les 40 premières années qui ont marqué les relations entre la Tunisie et la Banque mondiale, en moyenne entre 40 et 50 projets sont mis en œuvre chaque année, et ce, dans des secteurs différents, tels que l’eau, l’éducation, la santé et les projets municipaux. “Depuis 2010, très peu de fonds ont été investis au profit des projets de développement. Tout l’appui accordé consistait en des soutiens budgétaires, pour financer la balance de paiement, les salaires et autres”, a-t-il précisé.
L’appui financier de la Banque mondiale n’a jamais dépassé 1%
Selon l’ex-ministre, ce changement, qui était le choix des autorités tunisiennes, était le fruit d’une politique budgétaire très expansionniste ayant conduit au creusement du déficit budgétaire et de la balance de paiement.
Pour Larbi, ce ne sont pas les fonds débloqués qui sont les plus importants, mais c’est plutôt leur bonne allocation et leur utilisation à bon escient qui font la différence. D’ailleurs, l’apport financier de tous les bailleurs de fonds s’élève uniquement à 1,62% du PIB, alors que celui de la Banque mondiale n’a jamais dépassé 1%. “C’est la manière avec laquelle on va utiliser et gérer ces ressources qui est la plus importante. L’expertise technique et le savoir-faire de ces organisations en matière d’allocation et de gestion de ressources sont très importants. Quand on fait un programme d’ajustement, ce qui importe ce ne sont pas les 500 millions qu’on nous prête, mais ce sont les réformes qui vont l’accompagner”, fait-il remarquer.
Il a, en outre, souligné que l’appui financier ne représente qu’une partie du travail de la Banque mondiale (15%) qui axe son soutien sur l’assistance technique aux pays en matière de formulation de stratégies sectorielles, politiques publiques et réformes structurelles.
Mettant l’accent sur le partenariat historique qui relie le Fonds monétaire international et la Tunisie, Sadok Rouai, ancien conseiller au FMI, a rappelé le rôle joué par l’institution dans la création de la BCT à l’aube de l’indépendance du pays. En effet, en 1956, alors que la Tunisie négociait les termes de son indépendance, Bourguiba a envoyé Cecil Hourani à Washington pour avoir des informations sur les modalités d’adhésion de la Tunisie à la Banque mondiale et au FMI, puisque libérée du joug colonial, la Tunisie a besoin de financements. C’est en cette même année que le conseiller de Bourguiba a également sollicité l’assistance technique du FMI pour la création d’une Banque centrale indépendante. L’expert a, par ailleurs, mis en exergue le rôle décisif que jouent les politiques, financées par les bailleurs de fonds et élaborées et menées par les pays pour favoriser leur progrès et développement à moyen et long termes. L’exemple de l’Arabie saoudite ou encore celui du Luxembourg qui avaient en 1958 des quotes-parts inférieures à celle de la Tunisie, peuvent être, selon l’intervenant, édifiants. Aujourd’hui, les quotes-parts des deux pays sont respectivement 2,5 et 18 fois supérieures à celle de la Tunisie.