13/03/2025
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Chronique Eco: L’économie mondiale en crise, les économies vulnérables ne survivront pas

La conjoncture économique mondiale demeure dominée par les problèmes géopolitiques. Le commerce mondial a été le fer de lance de la mondialisation, tant impulsée et  admirée par les uns et attaquée par d’autres. L’OMC a été portée aux cimes du système des Nations Unies. Elle est dotée de pouvoirs exceptionnels de régulation de l’économie mondiale. La quasi-totalité des pays ont adhérer à celle-ci, y compris des pays réputés anticapitalistes comme la Chine ou la Russie. L’OMC  a pour objectif d’aider à l’amélioration du niveau de vie et des revenus des populations grâce au commerce mondiale et aux opportunités qu’il offre à tous les pays, y compris les moins avancés, grâce au libre-échange qui démantèle les barrières douanières pour faciliter la libre circulation des marchandises. Aujourd’hui, surtout depuis la crise sanitaire, beaucoup de ces règles de libre-échange ont fait l’objet de contournement ou même de suppression par de nombreux pays. Le coup de grâce vient d’être donné par Trump lorsqu’il a décidé de manière unilatérale d’imposer des taxes douanières aux plus grands partenaires de l’Amérique : Canada, Mexique, UE, Chine…Une décision du pays présenté comme le  chantre du libre-échange et grand bénéficiaire de celui-ci. 

Au cours des trente dernières années, le commerce mondial a connu une expansion exceptionnelle, mais on observe entre la crise de 2008 et celle du Covid-19 un ralentissement de la mondialisation qui s’explique essentiellement par le rééquilibrage de la croissance en Chine.

La composition des échanges a toutefois évolué. Les exportations de biens ont retrouvé leur niveau d’avant crise dès décembre 2020, contre septembre 2021 pour les services. La reprise rapide du commerce a particulièrement bénéficié à la Chine qui a vu son excédent commercial augmenter, porté par ses exportations. Cette expansion a bénéficié des nouvelles organisations des systèmes productifs en « Chaines de valeur mondiales» éclatées souvent sur plusieurs régions ou pays.

C’est cette organisation qui va subir dans les années à venir les contrecoups des restrictions imposées aux échanges internationaux par les pratiques protectionnistes. Les tensions géopolitiques en cours et à venir seront aussi un facteur contraignant pour l’optimisation de ces chaines de valeurs nationales ou internationales.  

Dans ce cadre, les Etats pourraient inciter ou contraindre les entreprises à ajuster leurs chaînes de valeur par des mesures en faveur de leur résilience face aux chocs, ou réagir par des mesures protectionnistes comme c’est le cas depuis le début de cette année par les décisions prises par Trump et la réciprocité appliquée par les autres pays. « Sous l’effet de ces différents facteurs, des chaînes de valeur particulièrement concentrées présentent des premiers signes de diversification. Les constructeurs de semi-conducteurs, jusqu’ici essentiellement produits en Corée et à Taïwan, ont annoncé des investissements massifs dans des capacités de production au Japon, aux États-Unis ou en Europe » (Aymeric LACHAUX : Quels facteurs de reconfiguration des chaînes de valeur mondiales ? Trésor Eco n° 329, juillet 2023)

L’organisation des chaînes de valeur mondiales repose avant tout sur la recherche de l’efficacité économique dans les cadres institutionnels et géopolitique donnés.

On a observé aussi au cours des dernières années, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un redéploiement profond des échanges commerciaux. Le même auteur note  que « Malgré l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le commerce international de marchandises a augmenté de 3,5 % en 2022. Cependant, on constate une réorganisation significative des échanges. Tout d’abord, les échanges entre les pays alliés de l’Ukraine et la Russie ont fortement diminué notamment sous l’effet des sanctions). Depuis le début de la guerre, les exportations russes vers l’Europe8, le Japon et les États-Unis ont chuté de 80 % en valeur et les importations russes depuis ces pays se sont réduites de 47 %. Cette baisse traduit la volonté des pays alliés à l’Ukraine d’« isoler » la Russie du système financier international et de leurs économies via l’application de sanctions.

En parallèle, on observe un accroissement des échanges russes avec les pays émergents, plus particulièrement avec l’Inde et la Chine. Les échanges de la Russie avec l’Inde ont été multipliés par 5 tandis que les échanges avec la Chine ont augmenté de 75 %. ».

Les tensions géopolitiques à venir (voire même qui sont en cours) vont exacerber davantage les impacts négatifs sur le commerce mondiale ; d’ailleurs on note le blocage du fonctionnement de l’instrument central de cette mondialisation qu’est l’OMC. Plus grave le commerce est aujourd’hui utilisé comme un moyen de pression sur les décisions politiques, voire même sur la souveraineté des pays (canal de Panama, Menaces sur le Mexique et le Canada…) Ainsi, les tensions sino-américaines ont conduit à l’adoption croisée de mesures de contrôle des échanges commerciaux qui pourraient affecter les chaînes de valeur mondiales. En premier lieu, les deux puissances appliquent des droits de douane additionnels sur plus de la moitié de leur commerce bilatéral. La guerre commerciale USA-Chine canalise toutes les attentions, car elle affecte presque toute l’économie mondiale. On assistera bientôt à des guerres violentes sur certains produits : guerre des semi-conducteurs, guerre des terres rares, guerre des batteries, guerre de l’automobile…Ces produits ou productions sont aujourd’hui concentrés dans  quelques pays. Ces guerres peuvent conduire à une vraie guerre. D’ailleurs elle se prépare particulièrement en Europe où on projette un programme de militarisation de 800 Mds de $ et dont le financement pose un sérieux problème à beaucoup de pays.

In fine, l’économie mondiale va mal. L’Europe qui jouait un rôle tampon entre l’Amérique et la Chine est devenue très vulnérable. Elle joue sa survie entre un client qui lui impose des barrières douanières (USA) et un fournisseur qui ne lui fait plus confiance (Chine). Les effets collatéraux de ces guerres entre puissants seront désastreux pour les autres économies.

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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