16/09/2024
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Chronique Eco: Les défis du prochain mandat présidentiel (P5)

5. et fin : Rétablir les grands équilibres macroéconomiques et redressement économique.

L’assainissement des finances publiques et le retour aux équilibres budgétaires.  

L’extension de la sphère publique pour des raisons évidentes liées à la nature du système politique construit autour de la doctrine de l’Etat social et à la nature du système économique, hérité de la période postindépendance, caractérisé par un secteur public dominant et une centralisation des principales ressources pays (ici les hydrocarbures). Ce sont les idéaux de la révolution d’indépendance qui annonçaient, déjà avant celle-ci, la construction d’un Etat social où la justice sociale régnera et la solidarité nationale sera l’axe central de toutes les politiques publiques.

Cette situation a conduit à une intervention de l’Etat sur tous les fronts : soutenir la population et les entreprises sans en tenir compte ni du coût ni de l’efficacité de ces interventions. Le Trésor public a été mis en première ligne dans tous les rouages de l’économie nationale. Ceci ne va pas sans les comportements déviants : gaspillage, corruption, malfaçons, surcoûts, … et surtout une faible productivité des facteurs de production.

Mais la question centrale est comment financer cette sphère publique extensible à l’infinie, alors que les ressources publiques sont nécessairement limitées et fortement dépendantes du contexte international.

Autant le caractère social de l’Etat doit être maintenu et même renforcé, les ressources des hydrocarbures risquent de ne pas suffire pour une si large taille de l’intervention de l’Etat. La priorité doit être donnée au service public de base et à la protection sociale selon les règles de l’orthodoxie budgétaire ; la sphère purement économique doit être soumise aux règles de la commercialité et de rentabilité financière. Le financement désordonné de la sphère publique grandissante a creusé les déficits et  privé la croissance économique de ressources rares.

Aujourd’hui, il faut revenir à une orthodoxie dans l’allocation des ressources entre les différents usages en cherchant en permanence à établir un équilibre entre les usages à caractère social, généralement non productifs, et ceux producteurs de richesses, qui d’ailleurs eux qui vont financer, par l’impôt, les services sociaux, créer des emplois et pérenniser l’Etat social.

Depuis 2011, bien avant le retournement du marché du pétrole de juin 2014, le déficit du Trésor s’est creusé et a représenté en moyenne 10 à 15% du PIB, reflétant une dérive budgétaire quasiment irréversible. Le Fonds de régulation des recettes, créé à d’autres fins dès 2001, a servi au financement de ce déficit jusqu’à la fin de 2016 qui a vu son assèchement. Heureusement, grâce au retour des prix rémunérateurs du pétrole en 2022, ce fonds a été de nouveau renfloué mais sans changement de manière significative de la destination de ses ressources ; on a continué à financer les déficits. 

Le Financement non conventionnel (la planche à billets), une fausse solution à un vrai problème, a été largement usité entre 2017 et 2019.

Présentement, les banques commerciales disposent de ressources suffisantes pour intervenir sur le marché du crédit, mais il se trouve que la demande est encore faible en raison principalement de l’arrêt quasi-total de l’investissement productif (2018 à 2022) à cause des problèmes de foncier industriel. Les nouvelles lois sur l’investissement (2022) et sur le foncier (2023) ont pour objectif de redynamiser l’investissement des entreprises  nationales et des IDE.  Les conditions sont, aujourd’hui, globalement réunies pour procéder à un redressement des comptes publics, à assainir la sphère publique des dépenses « parasites » et à instaurer des règles de gestion budgétaire axées sur les résultats et non sur l’historique des dépenses et sur les vœux des responsables dont le pouvoir dépend souvent de la surface budgétaire qu’il contrôle. Pour rétablir l’équilibre des comptes publics,  deux lignes de conduite s’imposent en matière d’ajustement budgétaire. Du côté des dépenses, il faut imposer et obtenir que toutes les institutions de l’Etat aux niveaux central et local fassent un effort de productivité puisque leurs budgets doivent être stabilisés à prix constant les cinq prochaines années. Les effectifs seront maintenus et les recrutements dans la fonction publique devront être justifiés. En matière de recettes, outre ce qui a été dit sur le traitement du secteur informel, la valorisation des actifs publics par location ou par vente sera d’un grand bénéfice en raison de la multitude de projets infrastructurels réalisés et qui languissent en attendant d’être utilisés. A titre d’exemple, l’autoroute est-ouest, d’un coût considérable pour l’Etat, peut fournir chaque année plusieurs milliards de dinars par un simple péage. Un effort doit être fait pour améliorer le rendement fiscal et pour chasser les niches fiscales où les politiques de bonification et même d’exonération ne sont plus justifiées.

Le redressement économique

Il est nécessaire et il est possible. Il passe par la libération des initiatives, la réduction du déficit public, la restructuration du financement de l’économie, la ré-industrialisation du pays autour de la substitution aux importations, la réorganisation de l’activité agricole et la construction d’une nouvelle politique économique extérieure. Il exige aussi la protection des plus faibles, la réduction de la fracture territoriale et la refondation du dialogue social et de la démocratie locale autour d’une gouvernance territoriale ouverte, inclusive et responsable.  

Les entreprises publiques économiques doivent impérativement se retirer progressivement du secteur concurrentiel. Cette promesse, longtemps faite n’a jamais été tenue. Les secteurs dits ‘stratégiques’, à définir avec moins d’émotion et de dogmes, doivent donner lieu à des contrats de programme comme cela est pratiqué ailleurs, que les entreprises soient publiques ou privées. D’autres exemples peuvent être cités comme les partenariats public-privé (un projet de loi est en cours d’adoption) ou la concession dès lors que l’Etat se donne les moyens de définir sa demande, de fixer les cahiers de charge et de les faire respecter.

Par ailleurs, beaucoup d’Algériens ont profité au cours des vingt dernières années des mannes de l’état-providence pour constituer des patrimoines immobiliers et  fonciers considérables et dans certains cas, des patrimoines financiers. L’Etat n’a rien reçu en retour et il est grand temps qu’il reçoive. Ainsi, la taxe foncière et la taxe d’habitation, si importantes pour le financement des collectivités locales à travers le monde, sont d’un apport ridicule en Algérie. L’identification des patrimoines et leur mise à contribution sont une exigence autant budgétaire que d’équité sociale. Elles doivent être mises impérativement à l’ordre du jour des responsables locaux. La numérisation du secteur des domaines aidera à la définition de l’assiette imposable. L’impôt sur la fortune ne doit pas faire peur à nos dirigeants. Il est juste, légitime et exprime la manifestation de cette valeur chère aux algériens : la Solidarité Nationale.

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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