Diversification de l’économie nationale: L’Algérie veut mobiliser sa diaspora
Dans un contexte de redéfinition des priorités économiques, l’Algérie entend jouer pleinement la carte de sa diaspora pour renforcer la diversification de son économie. C’est l’un des messages forts portés par Mehdi Ghezzar, chroniqueur et éditorialiste, lors de son intervention sur la « Chaîne III » de la radio nationale, où il a mis en lumière l’importance stratégique que revêt aujourd’hui la mobilisation de la communauté nationale à l’étranger.
Longtemps tenue à l’écart des dynamiques nationales, la diaspora algérienne connaît aujourd’hui un regain d’intérêt sans précédent. Estimée à près de huit millions de personnes à travers le monde, cette communauté est désormais appelée à jouer un rôle actif dans le développement économique du pays. Une inflexion politique amorcée dès les débuts du mandat du président Abdelmadjid Tebboune, qui a mis fin à des décennies de marginalisation et d’oubli. Après avoir été peu considérée et rarement consultée pendant près de trente ans, la communauté nationale à l’étranger bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance nouvelle et d’un discours plus inclusif. Pour Mehdi Ghezzar, cette évolution reflète une véritable volonté politique : « Il y a un engouement réel, une véritable hype autour de l’Algérie ». Cette dynamique s’est illustrée récemment à travers plusieurs événements phares, notamment les salons organisés à Paris et à Lyon par le Conseil mondial de la diaspora algérienne, qui ont rassemblé de nombreux acteurs issus de la communauté expatriée. Plus qu’un simple attachement symbolique, ces initiatives témoignent d’une volonté croissante de s’impliquer concrètement dans la vie économique du pays : en investissant, en entreprenant et en créant de la valeur en Algérie. Plus question de limiter le lien avec la patrie à de simples séjours estivaux : la diaspora veut désormais construire dans la durée.
Pour faciliter cette implication, l’État a multiplié les gestes d’ouverture. Parmi eux, la baisse notable des prix des billets d’avion et de bateau : « J’ai vu des billets Air Algérie à 130 euros pendant le Ramadan, et des billets de bateau à 270 euros. C’est du jamais vu », a souligné Ghezzar, évoquant aussi la simplification de l’accès au logement participatif et aux procédures d’investissement. « Toutes ces barrières ont été cassées », a-t-il insisté. Mais au-delà des mesures pratiques, c’est une reconnaissance symbolique qui est offerte : « L’Algérien à l’étranger doit se sentir tout aussi Algérien qu’un citoyen vivant sur le territoire national », a-t-il affirmé. Une reconnaissance d’autant plus nécessaire que, selon des chiffres de 2023, environ vingt mille chercheurs et ingénieurs d’origine algérienne exercent dans les pays de l’OCDE, dont dix mille en France. Un vivier de compétences considérable que le pays ambitionne de reconnecter à son économie.
L’éditorialiste ne manque pas de souligner les réussites actuelles qui démontrent le potentiel de cette jeunesse instruite. Il a notamment cité la montée en puissance des start-ups algériennes, encouragées par la création, inédite, d’un ministère dédié, saluée comme une initiative visionnaire. Autre exemple frappant : la construction de stations de dessalement d’eau de mer, dont cinq ont déjà été inaugurées, la sixième étant attendue à Béjaïa. « Elles ont été conçues par des Algériens, formés dans nos universités. C’est un savoir-faire national qu’il faut soutenir », a affirmé Ghezzar. Le pays forme chaque année près de deux cent cinquante mille diplômés, un chiffre impressionnant qui souligne la vitalité du système universitaire national. « Nous arrivons à faire des choses exceptionnelles entre Algériens. Imaginez si, en plus, on ramène les cerveaux qui sont partis… Ce serait une force inestimable pour notre avenir économique », a-t-il plaidé.
Contrairement aux clichés réducteurs, Mehdi Ghezzar a martelé : « L’Algérie n’est pas un pays en voie de développement. C’est un pays émergent ». Il s’est insurgé contre l’utilisation de terminologies qui minorent les atouts du pays, qu’il s’agisse de ses ressources, de son capital humain ou de ses ambitions géostratégiques. « Avec ce que nous avons comme potentiel, il faut cesser de nous définir par défaut ». Cette stratégie de mobilisation de la diaspora s’inscrit dans une diplomatie économique plus large, dans laquelle l’Algérie assume désormais sa voix et son rôle sur la scène internationale. Le pays est vice-président de l’Union africaine et membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a rappelé Ghezzar, soulignant l’octroi d’un milliard de dollars pour le développement de l’Afrique, un geste sans équivalent à ce jour sur le continent.À l’heure où l’Algérie cherche à redéfinir son modèle économique, elle parie sur l’un de ses atouts les plus prometteurs : sa diaspora, riche de compétences, d’ambitions et d’attachement au pays. Pour Mehdi Ghezzar, c’est clair : « L’Algérie appartient à tous ses enfants, où qu’ils soient dans le monde ». Une conviction forte, érigée en levier de croissance nationale.
Par Mourad A.