Environnement: Le Pacte vert de l’UE menacé
La tension est à son comble au sein des institutions européennes alors que se profile, ce jeudi, un vote crucial du Parlement européen sur l’un des derniers textes majeurs de l’ambitieux Pacte vert de l’UE.
Par Fabienne Schmitt
Objet de critiques virulentes de la part des eurodéputés conservateurs, la loi sur la restauration de la nature pourrait, si elle est rejetée, entraver les efforts inédits de l’UE pour réduire ses émissions de carbone de plus de moitié d’ici à la fin de la décennie.
Le texte vise à ramener 30 % des terres et des mers dégradés du continent à leur état d’origine d’ici à 2030. Mais il fait face à une opposition violente du Parti populaire européen – le plus important au Parlement – qui a demandé son retrait.
Certains élus Renew ont aussi affiché leur opposition. En conséquence, le vote (déterminant) de jeudi, au sein de la commission Environnement du Parlement européen, s’annonce très serré.
Les élus du PPE mobilisés contre le texte
Les élus du PPE estiment que la loi menace la production agricole, qu’elle compromet la sécurité alimentaire et aggrave la crise du coût de la vie. Ils ajoutent qu’elle pourrait freiner le développement des parcs éoliens et solaires et les efforts pour exploiter les matières premières critiques, en raison de préoccupations environnementales.
« Je suggérerais que la commission retire cette proposition, nettoie cette loi et fasse une évaluation d’impact plus appropriée », a déclaré Esther de Lange, vice-présidente du groupe PPE chargé de l’environnement lors d’un point presse.
Des arguments battus en brèche par la Commission dont Frans Timmermans, son vice-président, chargé du Pacte vert, a prévenu qu’il n’y aurait pas d’autre proposition si celle-ci devait être rejetée.
« Pression maximum »
La loi sur la restauration de la nature devrait avoir un impact direct sur les agriculteurs, un bloc électoral puissant dans plusieurs pays de l’UE. Certains pointent une stratégie opportuniste, un an avant les élections européennes de 2024. « Le PPE et l’extrême droite ont décidé de faire de ce texte un symbole de leur opposition à l’action environnementale de l’Europe, s’indigne Pascal Canfin, le président de la commission Environnement du Parlement européen.
Manfred Weber [leader du PPE, NDLR] se sert de ce texte pour consolider son alliance à l’extrême droite et pour déstabiliser le Pacte vert et derrière, la majorité de von der Leyen. »
L’Eurodéputé dit avoir eu des retours de députés PPE « soumis à une pression maximum de la part de Manfred Weber pour ne pas venir voter s’ils sont favorables au texte », faute de quoi « la menace est qu’ils ne seraient pas sur les prochaines listes s’ils veulent se représenter ».
Le vote doit être confirmé par le Parlement en plénière en juillet. Parallèlement, il est soumis aux Etats membres – certains incluant des gouvernements PPE – qui seraient proches d’une position commune, qui pourrait être adoptée jeudi, aussi.
Un échec lors du vote au Parlement enverrait un signal très négatif : cela serait le premier texte du Pacte vert à « tomber » sur une cinquantaine au total dont une vingtaine déjà votés. Cela encouragerait, sans doute, d’autres opposants à d’autres mesures du Pacte vert à agir. Sans compter que cela pourrait potentiellement avoir pour effet de contraindre l’UE à repenser d’autres mesures devant être dévoilées le mois prochain, portant sur la santé des sols et des plantes produites par de nouvelles techniques génomiques.
Un texte auquel le PPE n’est pas opposé. Il y a quelques jours, Frans Timmermans a estimé que cette proposition de la Commission européenne sur l’édition génomique était « inséparable » d’autres, comme la loi sur la restauration de la nature et celle, enlisée aujourd’hui, visant à réduire de moitié l’utilisation des pesticides, à laquelle les eurodéputés conservateurs s’opposent aussi. « Le Pacte vert n’est pas un menu à la carte. On ne peut garantir la production alimentaire, les revenus des agriculteurs et une bio-économie prospère si on ne restaure pas la nature », si les sols « sont pollués, ravagés par les pesticides », a-t-il dit. Une manière de faire passer le message que rejeter une partie du « paquet » de mesures vertes de la Commission, c’est affaiblir sérieusement l’ensemble du Pacte vert. Une approche plébiscitée par Pascal Canfin, pour qui la Commission a fait « une erreur stratégique majeure » en ne présentant pas, dès le départ, un paquet « résilience agricole ». La Commission avait utilisé cette stratégie pour le climat, ce qui avait permis de trouver un équilibre et ne plus avoir des textes attaqués isolément.
Source : Les Echos du 15 juin 2023