Bruxelles propose d’assouplir les règles budgétaires de l’UE
Bruxelles dévoile ce mercredi une modernisation des règles budgétaires de l’UE, largement obsolètes, afin de donner plus de marge de manœuvre aux États membres pour investir, tout en réduisant les dettes excessives et en libérant la croissance. L’exécutif européen va présenter une proposition législative, qui précise ses intentions. Le texte sera ensuite débattu pendant plusieurs mois par les eurodéputés et les 27 pays membres toujours très divisés sur le sujet.
Bruxelles lâche du lest. L’exécutif européen, qui a dévoilé, ce mercredi, une modernisation des règles budgétaires de l’Union européenne, présentera, en début d’après-midi une proposition législative, qui précise ses intentions. Le texte sera ensuite débattu pendant des mois par les eurodéputés et les 27 pays membres toujours très divisés sur le sujet.
Afin de promouvoir l’investissement, la Commission souhaite, en effet, donner aux États plus de marge de manœuvre dans leur redressement budgétaire, en tenant compte de leur situation particulière. Elle leur accorderait aussi plus de temps pour réduire leur endettement en échange de réformes et d’investissements.
Ces règles, rassemblées dans le Pacte de stabilité, avaient été suspendues début 2020 pour éviter un effondrement de l’économie européenne touchée par la pandémie. Malgré la guerre en Ukraine, le Pacte doit être réactivé fin 2023 alors que la crise a fait exploser la dette des pays les plus fragiles et qu’il n’est plus applicable en l’état.
La Commission européenne avait publié en novembre ses pistes pour assouplir ce corset budgétaire qui limite le déficit des administrations publiques des États membres à 3% du produit intérieur brut national et la dette publique à 60% du PIB.
Les règles existantes n’ont jamais été appliqués
Avant que ne débute le débat entre les pays, il n’existe qu’un véritable point de consensus : le constat de l’échec des règles existantes. La dette des pays de l’UE s’est envolée après la crise financière de 2008, puis de nouveau après la crise du Covid en 2020. Elle culmine aujourd’hui à près de 150% du PIB en Italie et quelques 110% en France, très au-dessus des seuils maximum fixés par les règles européennes. Dans le même temps, l’Europe a bridé ses efforts dans le numérique, la transition verte ou la défense et subit encore un décrochage économique par rapport à l’Asie ou les Etats-Unis.
En théorie, le Pacte de stabilité oblige les Etats à réduire l’excédent de dette au-dessus de 60% d’1/20e par an, une règle jugée trop sévère car elle imposerait une cure d’austérité destructrice aux pays les plus endettés. Elle n’a, dans les faits, jamais été appliquée.
Les « frugaux » s’opposent aux surendettés
Parmi les États membres, deux camps s’opposent. Les pays dits « frugaux » d’Europe du Nord, menés par l’Allemagne, réclament une application plus stricte du Pacte. Selon eux, le cadre qui se voulait rigide a laissé place à une mise en œuvre politisée et trop accommodante de la part de la Commission.
Les pays du Sud surendettés, comme l’Italie dont la dette atteint 150% du PIB, jugent le carcan trop sévère. Ils estiment qu’il impose une pression trop forte sur les budgets nationaux et pénalise l’investissement public. « Nous n’avons pas investi comme nous l’aurions dû (et) le désendettement a échoué peut-être parce que nos règles étaient irréalistes », a pointé en novembre le commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, assurant que le plan de l’exécutif permettrait aux pays membres d’adopter « un cap bien plus souple ».
Concrètement, Bruxelles proposait en novembre de définir pour chaque Etat membre une trajectoire budgétaire de référence sur une période de quatre ans, adaptée à sa situation financière afin d’atteindre « de façon crédible un déficit qui resterait sous 3% du PIB ».
Ce projet a mécontenté l’Allemagne qui craint une réduction des déficits à la carte, chaque pays négociant son propre ajustement au détriment de l’équité entre les Vingt-Sept. Elle a donc insisté pour des objectifs minimaux contraignants de réduction de dette s’imposant à tous. « L’Allemagne n’a pas confiance dans la capacité de la Commission et d’autres pays membres, essentiellement du sud, à mettre en oeuvre les ajustements budgétaires adéquats », estime Andreas Eisl, chercheur à l’Institut Jacques Delors. « Toute la difficulté pour la Commission est de trouver le bon équilibre entre un ajustement budgétaire spécifique à chaque pays et des règles chiffrées communes ».