21/12/2024
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Chronique Eco: Énergies propres et délocalisation de la pollution

Le cri d’alarme est géopolitique : le monde a de plus en plus besoin de métaux rares, de « terres rares», pour sa transition énergétique et sa révolution numérique, et donc pour toutes les technologies de l’information et de la communication, pour fabriquer les portables entre autres. Les voitures électriques et hybrides en nécessitent deux fois plus que les voitures à essence, etc.  Ils sont très chers à extraire et à purifier. La Chine qui détient l’essentiel de ces ressources, mais ses besoins vont en grandissant et elle est déjà à chercher de nouveaux gisements, en Asie, mais surtout en Afrique.

Mais, là où cela se complique et où apparaît un dilemme : l’exploitation de ces minerais rares est tout sauf propre ! « Les énergies et ressources vertes recèlent une part d’ombre », souligne l’auteur d’un best seller sur le sujet « la guerre des métaux rares : la face cachée de la transition énergétique et numérique » (G. Pitron, 2018) à qui nous empruntons quelques passages ci-après. L’extraction et le raffinage de ces métaux rares nécessitent, en effet, des procédés très polluants. Et donc, paradoxalement, le monde des technologies les plus avancées, qui se veulent plus vertes, « écologisées », serait lui-même en grande partie tributaire de métaux « sales ».

En effet, « il faut purifier huit tonnes et demie de roche pour produire un kilo de vanadium, seize tonnes pour un kilo de cérium, cinquante tonnes pour l’équivalent en gallium, et le chiffre ahurissant de mille deux cents tonnes pour un malheureux kilo d’un métal encore plus rare, le lutécium. »  

Selon certains estimations très sérieuses, d’ici à 2040 : « nous devrons extraire trois fois plus de terres rares, cinq fois plus de tellure, douze fois plus de cobalt et seize fois plus de lithium qu’aujourd’hui. » Ces extractions vont nécessiter une consommation gigantesque d’énergie, du béton, de l’aluminium, du fer, de l’acier, etc.

Dans un autre registre mais très lié à celui des terres rares, la fin annoncée du moteur thermique en Europe n’est pas pour demain. Si l’évolution du mix énergétique gagne des points dans beaucoup de secteur, les transports demeurent dominés par les hydrocarbures (carburants conventionnels). Les investissements dans la construction des véhicules électriques en Europe n’ont pas été à la hauteur des ambitieux, les constructeurs européens n’ont pas été soutenus ni par leurs Etats ni par l’UE, alors que les Chinois ont mis près de 500 Mds de $ dans cette transition. Aujourd’hui,  une voiture électrique sur trois est chinoise. Les autres infrastructures n’ont pas suivies. Les coûts des « transitions » sont énormes alors que les résultats en termes de gains écologiques ne sont pas toujours évidents.   

Le secteur des technologies de l’information et de la communication produit ainsi 50 % de plus de gaz à effet de serre que le transport aérien. La voiture électrique et hybride peut contenir de 9 à  11 kg de terres rares. Chaque  Data Center a besoin d’une centrale électrique pour son fonctionnement…  Cercle vicieux ! On serait tenté de dire que l’écologie et son défilé de supporters et de militants agressifs, serait finalement une idéologie comme on en a connu dans le passé.

Les principaux pays producteurs de métaux rares sont Les USA, La Chine, le Brésil, la Russie, la RDC, l’Afrique du Sud…. Les pays qui en possèdent mais qui n’exploitent pas encore à grande échelle sont encore plus nombreux. Dans un proche avenir, l’exploitation de ces métaux rares (plus particulièrement les terres rares) sera élargie à ces pays. Une sélection va certainement s’opérer selon des critères dominés par la logique économique et celle, encore, écologique : l’occident puissant financièrement et économiquement préférera exploiter ces métaux  dans les pays pauvres et ainsi transférera  la pollution à ces pays qui ont besoin de ressources financières pour se maintenir en vie. Finalement le mouvement de délocalisation-relocalisation va concerner prioritairement les activités minières ; ainsi la pollution sera délocalisée au Sud pour appliquer le principe (ou le slogan) : « le pollueur payeur. » In fine, les mots d’ordre : Protection de l’environnement, énergies propres, écologie, sauver la planète,… n’ont pas le même sens et la même portée à au Nord (l’Occident) et au Sud. Le rapport de force maintiendra la domination du Nord sur le Sud pour longtemps encore au nom des ces slogans. L’Occident Global aura gagné la bataille de sa survie et le Sud Global (s’il existe) aura « gagné » l’échec de son incapacité à s’organiser pour s’émanciper.

ANOUAR EL ANDALOUSSI

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