Djalal Bouabdallah, expert en transformation digitale et cybersécurité: «Il est impératif d’accélérer le processus de numérisation»
La numérisation de l’Algérie est en marche, avec des initiatives ambitieuses visant à moderniser les administrations et les services publics. Cependant, cette transformation digitale essentielle rencontre encore des obstacles significatifs, selon Djalal Bouabdallah, expert en transformation digitale et cybersécurité. Si les jalons de cette évolution ont été posés, notamment avec la création du Haut-commissariat à la numérisation et la présentation de la première Stratégie nationale de l’intelligence artificielle, il reste encore beaucoup à faire, notamment face à la lenteur administrative et aux coûts élevés qui freinent l’implémentation de projets numériques.
Intervenant sur la Chaîne 3 de la Radio nationale, Djalal Bouabdallah a exprimé son inquiétude face à la lenteur de la numérisation dans le pays. Il a précisé : « Il est impératif que nous accélérions le processus, car chaque jour compte dans le domaine de la transformation digitale. Nous avons du retard, et de nombreux pays sont déjà en phase opérationnelle, ce qui nous place dans une situation de compétition difficile. » Selon lui, la numérisation n’est pas simplement une question de modernisation des infrastructures, mais elle touche à l’ensemble des mécanismes de gouvernance et d’organisation des services publics.
L’expert a détaillé les trois étapes majeures de la transformation numérique : la numérisation, qui concerne la numérisation des données et processus ; la digitalisation, qui intègre ces données dans des solutions technologiques efficaces ; et enfin, la transformation numérique, qui combine ces avancées pour créer de nouvelles valeurs ajoutées. « Nous ne pouvons pas nous contenter d’une numérisation de façade, il faut aller plus loin. La transformation numérique doit être totale et intégrée, et c’est un processus qui prendra du temps. Mais il est impératif de commencer dès maintenant », a-t-il insisté.
Bouabdallah a également évoqué les défis concrets rencontrés par les acteurs du secteur, notamment la lenteur des démarches administratives pour l’importation des équipements nécessaires à la numérisation. « Les procédures administratives sont beaucoup trop lentes. Il faut parfois entre six mois et un an pour obtenir les autorisations d’importation d’équipements informatiques, ce qui est un véritable frein à la modernisation. De plus, les équipements acquis pendant ce délai risquent d’être déjà obsolètes », a-t-il déploré. Il a ajouté que ces délais nuisent à l’efficacité du processus et appellent à une révision en profondeur des procédures administratives pour qu’elles soient adaptées aux exigences de la transformation numérique.Un autre point sur lequel Bouabdallah a insisté est la question des coûts, notamment pour les professionnels du secteur. Il a souligné l’importance de réajuster les tarifs de connexion Internet pour permettre aux entreprises locales de s’impliquer dans le cloudcomputing, un secteur stratégique pour la numérisation. « Si les entreprises locales n’ont pas accès à une infrastructure de cloud compétitive et abordable, elles seront contraintes de se tourner vers des fournisseurs étrangers. Cela signifie que nous perdrons en souveraineté numérique, un aspect crucial pour notre indépendance technologique. » Pour lui, cette situation doit absolument être évitée si l’Algérie veut se positionner comme un acteur majeur de la transformation numérique en Afrique et à l’échelle mondiale.
Bouabdallah a aussi souligné la nécessité de renforcer l’innovation et de créer un environnement propice à la création de nouvelles entreprises technologiques. « Il faut que les acteurs privés se sentent soutenus et protégés pour innover et investir dans ce secteur. L’Etat doit être le catalyseur de ce changement, en apportant des solutions concrètes aux défis économiques et logistiques qui ralentissent la numérisation. » Il a ainsi appelé à une révision des politiques publiques et des priorités de financement pour accompagner cette transition technologique.
Ainsi, pour Bouabdallah, l’Algérie a l’opportunité de devenir un leader régional dans le domaine numérique, mais elle doit pour cela surmonter les obstacles liés à la lenteur administrative et aux coûts élevés. La modernisation de la réglementation, l’accélération des processus d’importation, et l’amélioration des infrastructures locales sont des préalables nécessaires à la réussite de la numérisation.
Par Mourad A.