L’émission des sukuks souverains par le Trésor public encadrée: Un nouveau levier de financement pour l’État
Le ministère des Finances a franchi un cap décisif vers la diversification des sources de financement de l’État. Un décret vient d’être publié par le ministère fixant les modalités d’émission des Sukuk souverains par le Trésor public.
Ce texte qui sera publié incessamment dans le Journal officiel, pris en vertu de l’article 179 de la loi de finances 2025, trace les contours d’un nouveau mécanisme de financement conforme à la finance islamique, permettant de mobiliser l’épargne nationale et internationale pour le financement d’infrastructures publiques marchandes.

Conformément aux principes de la finance islamique, les sukuk souverains algériens seront adossés à des actifs réels. Il peut s’agir d’infrastructures, d’équipements publics ou de droits de propriété et d’usufruit. Le texte précise que plusieurs formes de sukuk peuvent être émises, à savoir : « Sukuk Ijara : rémunérés par les loyers générés par des actifs mis en location; Sukuk Moucharaka : basés sur le principe de partenariat avec partage des bénéfices et des pertes; Sukuk Moudaraba : où les investisseurs financent des projets gérés par une entité mandatée, avec partage des résultats; Sukuk Istisna’a : destinés au financement de la construction ou la fabrication d’équipements ou d’ouvrages et Sukuk Wakala : les fonds sont confiés à une entité chargée de les investir au nom des souscripteurs».
Souscription, conformité et transparence
L’arrêté prévoit que les sukuk pourront être souscrits sous forme physique ou par inscription en compte courant, en titres nominatifs ou au porteur. Toute émission devra préalablement obtenir un certificat de conformité à la Charia, délivré par le Haut Conseil Islamique, condition indispensable pour garantir l’adhésion des investisseurs soucieux du respect des principes religieux.
La décision d’émission, prise par le ministre des Finances, devra indiquer toutes les caractéristiques de l’opération : montant total, nombre de sukuk, valeur nominale, rendement estimé, modalités de remboursement, ainsi que les conditions de cession et de rachat. Le rôle des différentes parties prenantes à l’opération devra également être précisé.
Un cadre opérationnel pour une finance alternative
Le Trésor public est chargé du suivi des opérations ou peut en déléguer la gestion à une entité mandatée. Cette disposition devrait garantir une gouvernance rigoureuse et une bonne transparence des opérations. La mise en œuvre de ce dispositif marque une première concrète dans l’arsenal juridique et financier national visant à introduire des mécanismes alternatifs à la dette classique.
Avec ce nouveau cadre réglementaire, l’Algérie ouvre la voie à l’utilisation des instruments de finance islamique à l’échelle souveraine, à l’image de plusieurs pays du monde musulman. L’objectif est de capter une partie de l’épargne non bancarisée et d’attirer les investisseurs institutionnels à la recherche de produits halal, tout en finançant des projets stratégiques sans recours à l’endettement conventionnel.
Un signal fort à l’écosystème financier
Cette réforme pourrait également constituer un levier pour le développement d’un marché secondaire de sukuk, encourager la création de produits financiers islamiques par les banques locales, et positionner l’Algérie comme un acteur crédible sur le marché régional de la finance islamique. Le lancement de la première émission est désormais très attendu, et pourrait intervenir dès le second semestre 2025.
Par Sirine R