Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial
Les enjeux pour les chefs d’Etat africains
Des dirigeants africains participeront demain au Sommet de Paris pour discuter d’un nouveau pacte financier mondial plus équilibré. Certes, les enjeux macro-économiques et environnementaux qui dominent la rencontre sont importants, mais on aurait souhaité que soient également abordés les flux financiers illicites et la nécessité d’un cadre fiscal mondial plus équitable.
Au moins 15 dirigeants africains prendront la parole dans le cadre du sommet de Paris organisé par le gouvernement français, pour réfléchir sur un nouveau pacte financier international, dont l’objectif déclaré est de « fixer une trajectoire vers un partenariat financier plus équilibré entre le Sud et le Nord« . Après le président du Niger Mohamed Bazoum qui prendra la parole à l’occasion de la cérémonie d’ouverture, Abiy Ahmed, le premier ministre d’Éthiopie inaugurera les contributions aux tables rondes, dans le cadre d’une session consacrée à des propositions de modèles pour faire évoluer les banques de développement.
Les autres thématiques sur lesquelles interviendront directement les dirigeants africains sont la mobilisation des capitaux privés pour le financement du développement durable, les solutions de financement pour le climat et les infrastructures vertes ainsi que les possibles réponses aux enjeux de la dette. Le continent africain aura ainsi une occasion d’exprimer sur la scène internationale sa vision d’un monde où les conditions de vie s’améliorent pour ses centaines de millions d’habitants.
Les ambitions que se sont fixées les organisateurs de ce sommet sont élevées. Il espère en effet parvenir à un consensus sur « les principes des réformes à venir et de fixer une trajectoire vers un partenariat financier plus équilibré entre le Sud et le Nord« . Ils espèrent aussi ouvrir « la voie à de nouveaux accords pour lutter contre le surendettement et permettre à davantage de pays d’accéder aux financements dont ils ont besoin pour investir dans le développement durable, mieux préserver la nature, faire chuter les émissions et protéger les populations contre la crise écologique, là où c’est le plus nécessaire« .
Au-delà des activités les plus visibles, l’Afrique semble ne pas être prête à pleinement saisir l’opportunité de cette grande rencontre, pour influencer les discussions et les débats pour une réforme du système financier international. En effet, en marge des tables rondes, il est prévu une cinquantaine d’activités sur des éléments plus détaillés, dans lesquelles peu d’organisations de la région seront intervenantes.
Aussi, le sommet remet sur la table des problématiques du moment, comme les effets de la pandémie de Covid-19, le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ou encore les tensions sur l’économie mondiale. Or ces phénomènes sont des chocs récents. En 2010, bien avant qu’on ne puisse penser que ces défis surgiraient, les ministres africains des finances avaient déjà élaboré des propositions pour une nouvelle architecture du système financier international, en faveur d’un meilleur développement.
Il sera intéressant de voir comment la conférence de Paris sera en mesure d’apporter une réelle valeur ajoutée à ces échanges qui sont menés sur le continent depuis plus d’une décennie. Certes, le programme de l’événement prévoit des sujets de discussion pertinents, mais certaines questions essentielles semblent avoir été mises de côté, comme celle relative aux pertes fiscales et celles résultant des flux financiers illicites.
Dans un rapport publié en 2021, la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement a indiqué que l’Afrique perdait jusqu’à 89 milliards $ en raison des flux financiers qui sortent du continent de manière illicite. La même année, un rapport produit par l’ONG britannique Tax Justice Network et d’autres organisations internationales de la société civile a révélé que le monde, dans son ensemble, avait perdu un montant estimé à 483 milliards $ de taxes et impôts divers, du fait de l’évasion et de la fraude fiscale des multinationales et des fortunes privées, dont 17,1 milliards $ pour l’Afrique.
Par ailleurs le FMI a indiqué en 2021 avec une approche assez restrictive, que l’Afrique subsaharienne perdait jusqu’à 750 millions $ de recettes fiscales par année, du fait de la fraude fiscale des entreprises du seul secteur extractif. Or les flux financiers illicites et l’actuel débat sur la nécessité d’un cadre fiscal mondial sous l’égide des Nations unies, ne feront pas partie des principaux points discutés lors de cet événement.
Un autre point à suivre est celui de la viabilité de la dette des pays africains. Le continent est présenté dans le cadre de ces discussions qui s’ouvriront, comme une région en situation de surendettement. Un sentiment qui se renforce en raison d’un modèle d’analyse de viabilité par le Fonds Monétaire International qui est contesté, mais aussi du fait des agences de notation qui refusent de voir le potentiel de croissance de l’Afrique, et qui restent focalisées sur des risques de liquidités à court terme.