19/09/2024
AFRIQUE

Souveraineté alimentaire: L’étau se resserre sur la Tunisie

La progression inquiétante de l’inflation à deux chiffres des denrées alimentaires constitue une menace pour la sécurité alimentaire. La forte dépendance aux importations alimentaires et la volatilité des cours mondiaux de ces produits constituent une autre source de vulnérabilité de la Tunisie et de sa souveraineté alimentaire et pèsent de tout leur poids sur le budget de la Caisse de compensation et l’équilibre déjà fortement fragilisé des finances publiques.

Décidément, la crise qui frappe le pain se poursuit et vient s’ajouter aux pénuries répétitives des denrées alimentaires (farine, semoule, sucre, café…) de base accentuant ainsi la paupérisation de plus en plus évidente des citoyens, aux flambées des prix qui envahissent les marchés… Avec tous ces manquements conjugués à la crise économique qui sévit en Tunisie et qui ont marqué la vie publique, nous sommes au bord d’une crise qui risque, si elle persiste, de mettre en ébullition la société tunisienne.

L’image des files d’attente devant les boulangeries est devenue un spectacle quotidien. Cette situation dure depuis des mois et les pouvoirs publics ne font rien pour dissiper les craintes de la pénurie qui s’éternise ou pour intervenir au moment où la tension sur la farine et la semoule bat son plein. La rareté du blé a provoqué une forte inflation et a détérioré le climat social. Les populations sont partagées entre résilience, accablement et colère. Le panier de la ménagère devenant inaccessible même aux classes moyennes, le pain retrouve son statut d’aliment vital pour les indigents.

Les pénuries existent, c’est incontestable, mais elles ne sont plus ponctuelles. A l’évidence, pareils manquement sont accueillis avec moins de résilience. Le pays maintient tant bien que mal son approvisionnement par la diversification de ses sources. Le mécontentement devient alors perceptible, plus débridé. Les citoyens parlent, protestent, avec un sentiment d’impuissance face à des hausses tarifaires que plus personne n’explique.

Le président de la Chambre nationale des boulangers, relevant de l’Utica, Mohamed Bouanane, précise que les augmentations des prix du pain sont appliquées par certaines boulangeries non classées. «Nous n’avons aucun moyen de contrôle à ce niveau. Toutefois, nous avons appris que l’Etat procède au contrôle et que les contrevenants sont privés de la farine subventionnée».

Dépendance des importations

Malgré l’importance des surfaces emblavées qui faisaient de la Tunisie «le grenier de Rome», le pays n’est plus en mesure, depuis des décennies, d’atteindre l’autosuffisance en céréales, qui constituent la source principale des apports énergétiques alimentaires de la population tunisienne. En effet, l’apport énergétique en céréales par personne en Tunisie est plus élevé que la moyenne mondiale et de la moyenne africaine avec 1.676 kcals par jour et par habitant, contre 1.307 kcals pour la moyenne mondiale et 1.298 kcals pour la moyenne africaine.

On assiste, dès lors, à une dépendance du pays de l’importation des céréales qui grève les finances publiques et met en péril sa souveraineté alimentaire, notamment en cas de crises économiques, climatiques ou sécuritaires. Le taux de dépendance de l’importation des céréales évolue au gré des récoltes annuelles qui, elles, dépendent pour une large part des conditions climatiques. Entre 2000 et 2020, il a varié dans un intervalle allant de 55,8% durant la période 2004-2006 à 71,5% au cours de la période 2017-2019.

De même, les prix à l’importation des céréales jusqu’au mois de mai 2023 ont connu une baisse de -20,7% pour le blé dur, de -15,1% pour le blé tendre, de -11,0% pour le maïs.

Cette dépendance des importations n’a pas manqué d’affecter la balance alimentaire qui enregistre un déficit devenu chronique et qui grève les finances publiques et alourdit à son tour les déficits de la balance commerciale et la balance des paiements.

Dans un rapport publié par la FAO sur les répercussions de la guerre en Ukraine sur la production agricole et la sécurité alimentaire dans les pays du sud de la Méditerranée (Liban, Jordanie, Egypte, Tunisie et Maroc), il est indiqué que suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix mondiaux des denrées alimentaires ont encore augmenté par rapport aux niveaux déjà élevés de 2021, atteignant des sommets records en mars 2022.

L’indice FAO des prix des denrées alimentaires s’établissait en moyenne à 159,3 points en mars 2022, bondissant de 17,9 points (12,6 %) par rapport à février 2022 et atteignant sa valeur la plus élevée depuis la création de l’indice en 1990. Or, les importations des produits céréaliers constituent, en Tunisie, la part prépondérante des importations alimentaires. Cela comporte des risques énormes sur la sécurité et la souveraineté alimentaires du pays, notamment au vu des difficultés financières que vit le pays depuis quelques années. En effet, les données de l’Office du commerce tunisien indiquent que les importations des céréales ont atteint 1.941 MD en 2020, soit 40% des importations alimentaires telles qu’estimées par la BCT et 3,8% de l’ensemble des importations (estimées à 51.463,7 MD par INS). Pour les 7 premiers mois de 2022, les importations de blé et d’orge ont coûté 2.308,2 millions de dinars contre 1.452,1 millions de dinars au cours de la même période 2012, soit une augmentation de 58,9%.

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