Digitalisation de la Bourse d’Alger: Bientôt un système de cotation en ligne
La Bourse d’Alger entre dans une nouvelle phase de transformation. À l’heure où la digitalisation redéfinit les marchés financiers à l’échelle mondiale, l’institution algérienne amorce un virage stratégique visant à rendre ses services plus accessibles, plus rapides et plus transparents. Cette transition, attendue depuis longtemps, survient dans un contexte où le marché boursier algérien est en pleine mutation.
Invité du forum El Moudjahid, Yazid Benmouhoub, directeur général de la Bourse d’Alger, a révélé que le système de cotation en ligne, permettant aux investisseurs d’acheter et de vendre des actions directement sans passer par les guichets physiques, est en phase de finalisation. « C’est un changement de paradigme que nous portons avec les intermédiaires et le ministère des Finances », a-t-il déclaré. Jusqu’à aujourd’hui, le fonctionnement du marché boursier reposait en grande partie sur des démarches physiques, ce qui représentait un frein majeur dans une société de plus en plus connectée. Ce retard technologique avait été vivement critiqué par de nombreux investisseurs, qui déploraient une courbe de cotation « quasi plate » et un processus lourd, opaque, voire dissuasif.Afin de remédier à cette situation, la Commission d’Organisation et de Surveillance des Opérations de Bourse (COSOB) a imposé un délai de six mois aux Intermédiaires en Opérations de Bourse (IOB) pour procéder à leur transformation digitale. L’objectif est de connecter les 11 IOB actuellement actifs, dont six sont des banques publiques, afin de permettre des transactions en ligne dans des conditions de sécurité et de transparence accrues. « Avec cette digitalisation, nous allons améliorer l’expérience utilisateur et faciliter l’accès au marché pour les jeunes, les startups et les petits épargnants », a ajouté M. Benmouhoub.
La digitalisation se déroule dans un contexte plus large de relance progressive du marché boursier algérien, marqué par l’augmentation du nombre de sociétés cotées, passées de cinq à huit en deux ans, et par des levées de fonds historiques, à l’image de celle de la banque CPA qui a mobilisé 112 milliards de dinars en 2024. Cette opération a été un véritable tournant, permettant de multiplier par sept la diversification du marché. Trois autres introductions pour la période 2024-2025, dont deux banques publiques, la CPA et la BDL, ainsi qu’une start-up, Moustachir, qui illustre la volonté de la Bourse d’accompagner l’entrepreneuriat technologique. Cette dernière a été intégrée via le nouveau « Marché de la croissance », un segment créé spécifiquement pour faciliter l’entrée en Bourse des startups ayant au moins deux années d’existence.
Un marché pour les Sukuks souverains en préparation
La Bourse d’Alger ne s’arrête pas à cette première étape. Elle prévoit l’intégration progressive de l’intelligence artificielle dans ses systèmes afin d’optimiser l’analyse des données financières et améliorer les services destinés aux investisseurs. En parallèle, un marché pour les sukuks souverains, des titres financiers conformes à la finance islamique, est en préparation dans le cadre de la Loi de finances 2025. Cette initiative répond aux besoins spécifiques des assureurs islamiques, comme les acteurs du Takaful. La Bourse d’Alger montre ainsi sa volonté de s’adapter aux standards internationaux et de diversifier ses produits financiers. « La technologie est notre alliée pour rattraper le retard accumulé depuis 1997. Nous voulons faire de la Bourse un levier de financement crédible, moderne et complémentaire au système bancaire », a insisté M. Benmouhoub.
Malgré ces progrès, plusieurs obstacles structurels demeurent. Le financement bancaire reste dominant, couvrant encore 90 % des besoins économiques du pays, en partie en raison des taux bonifiés accordés par l’État, rendant le crédit bancaire plus attractif que le marché boursier. À cela s’ajoutent un manque de culture financière généralisée, une certaine réticence vis-à-vis de la transparence requise pour la cotation, ainsi que la faiblesse des métiers financiers comme les analystes et conseillers, qui freinent l’essor du marché. Le nombre d’entreprises cotées reste faible, bien que près de 12 000 sociétés algériennes soient techniquement éligibles. Parmi elles, beaucoup, notamment les entreprises familiales, hésitent encore à ouvrir leur capital, par crainte de perdre le contrôle sur leur structure.
Néanmoins, la Bourse d’Alger nourrit de grandes ambitions. Elle souhaite devenir un acteur régional de référence, aussi bien au Maghreb qu’en Afrique. Près de 50 entreprises étrangères ont déjà exprimé leur intérêt pour une introduction en Bourse en Algérie. Des entreprises locales telles qu’AYRAD, spécialisée dans les data centers et l’intelligence artificielle, ou Pharma Invest, dans le secteur pharmaceutique, sont actuellement en cours d’évaluation pour une entrée en Bourse. D’autres, comme Dizi, acteur dans la distribution d’énergie, ont manifesté leur intention de s’introduire, bien que leur dossier n’ait pas encore été déposé.
La Bourse d’Alger suscite un intérêt croissant sur la scène internationale
Dans le sillage des réformes structurelles engagées ces dernières années, la Bourse d’Alger commence à attirer les regards au-delà des frontières. Selon les chiffres communiqués par Yazid Benmouhoub, directeur général de la Bourse d’Alger, près de cinquante entreprises étrangères ont manifesté un intérêt concret pour une éventuelle introduction sur le marché algérien. Ce chiffre, encore impensable il y a quelques années, témoigne d’un regain de crédibilité du marché financier national à l’échelle régionale et internationale. « Ce qui se passe actuellement est une forme de reconnaissance. Plusieurs groupes étrangers, notamment africains, moyen-orientaux ou issus de la diaspora, ont pris contact avec nous. Ils ne sont pas seulement curieux ; ils étudient sérieusement les conditions d’entrée », a expliqué le DG de la bourse d’Alger. Il a souligné que l’attrait ne repose pas uniquement sur la taille du marché intérieur, mais aussi sur la perception croissante de la Bourse comme un outil de transparence, de gouvernance et de valorisation à long terme. L’un des signes les plus parlants de cette nouvelle dynamique a été observé à travers le parcours d’un entrepreneur algérien, dont l’annonce d’une future cotation en Bourse a déclenché une vague d’intérêt de la part d’investisseurs étrangers. « Il a reçu entre trente et quarante propositions de partenariat dans les semaines qui ont suivi cette annonce. Cela prouve que la cotation en Bourse est perçue à l’international comme un signal fort de sérieux et de stabilité », a affirmé M. Benmouhoub.
L’ouverture du marché boursier algérien n’est pas simplement symbolique. Elle s’inscrit dans une volonté affirmée d’internationalisation de l’économie nationale, en particulier à travers les entreprises algériennes à capitaux étrangers, désormais éligibles à la cotation selon la réglementation actuelle. Cette évolution juridique a levé un frein important et permet désormais à des entités implantées localement, mais ayant des investisseurs étrangers dans leur capital, de prétendre à une introduction sur la place d’Alger. Plus largement, le positionnement géostratégique de l’Algérie et son potentiel de développement en font un environnement attractif pour les capitaux étrangers. La Bourse entend capitaliser sur cette position pour jouer un rôle de passerelle entre l’Afrique du Nord, le Sahel, l’Europe méditerranéenne et, potentiellement, les pays du Golfe.
Par Mourad A.